PRÉCÉDENT

La Dépêche du Berry, 2 octobre 1909

SUIVANT

URL invalide

La Dépêche du Berry
2 octobre 1909


Extrait du journal

Cette question, personne ne le niera, est excessivement importante. Elle préoccupe, à juste titre, tous les démocrates, et les fa milles ouvrières sont particulièrement inté ressées à voir Y Egalité des enfants pour le droit à l'instruction, mise en pratique. Nous croyons être agréables à nos lec teurs en leur mettant sous les yeux le re marquable rapport de M. Ferdinand Buisson, qui va être présenté au prochain Congrès radical et radical-socialiste de Nantes : Messieurs, Le Parti radical et radical-socialiste a toujours eu la prétention d'être le Parti qui accepte intégralement l’héri tage de la Révolution française. 11 considère la Déclaration des Droits de l’Homme non comme une page de philosophie, mais comme un pro gramme d'action politique et sociale. 11 estime que, si ce programme n’est pas réalisé, ce n'est pas qu'il soit irréa lisable, c'est qu'il exige des transfor mations profondes devant lesquelles nous avons toujours reculé. La première ligne de la Déclaration posait le principe d’un nouvel ordre social. Dire que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits >, c’est constater non pas ce qui est, mais ce qui devrait être et qui n'est pas. C’est donc s'engager à l’établir. Sous le régime actuel, les hommes ne laissent et ne demeurent ni libres ni égaux en droits. Le capitalisme et le salariat divisent la société en deux classes de fait : ceux qui possèdent sans travailler, et ceux qui travaillent sans posséder. Deux cent mille familles peut-être, ayant la richesse ou l’aisance ou en train de la conquérir, forment la classe dirigeante. Le reste, c’est-àdire plusieurs millions de familles, ne vit qu'au jour le jour, subissant la loi du plus fort : le travail est serf du capital. Prétendre que ces deux groupes d’hommes sont également libres, sont égaux en droits, ce serait une dérision. Aussi notre Parti n’hésite-t-il pas à re connaître l’inégalité fondamentale sur laquelle repose la société présente. Seulement il n’en prend pas son parti : il se déclare résolu à remplacer cet état de choses par un régime de plus grande justice sociale. Il est d’accord avec le parti socialiste sur la nécessité de supprimer tous les privilèges et linalement d’abolir le salariat qui im plique la dépendance, la vie précaire, la sujétion. Mais, tandis que le Parti socialiste ne conçoit cette transformation que par un bouleversement révolutionnaire entraînant la suppression totale de la propriété individuelle, notre Parti croit possible d’arriver à l’organisation de la justice sociale par la disparition des divers abus attachés à la propriété in dividuelle et par la substitution pro gressive du travail associé au travail salarié. C’est cette méthode que suit la dé mocratie française depuis l’avènement de la troisième République. Méthode lente assurément, fragmentaire, pro cédant par une longue suite de mesures partielles, mais la seule jusqu’ici qui ait donné des résultats. Sans parler des réformes politiques qu’elle a per mis d'accomplir et qui ont bien leur répercussion économique, on ne peut nier que nos lois scolaires, militaires, fiscales aient contribué à égaliser entre tous les citoyens la répartition des charges sociales et la participation aux avantages sociaux. Nous avons marché par étapes. Nous avons entrepris de réparer l’une après l'autre les injustices du sort par une pratique plus complète de la solidarité sociale. La première étape a été consa crée aux vieillards. Et qui s’en étonne ra ? C’était bien la dette sacrée que la démocratie devait faire passer avant tout autre. Rien de plus légitime donc que la priorité donnée par le législa teur à la loi d’assistance obligatoire aux vieillards, puis à la création des retraites ouvrières pour la vieillesse. Ce premier devoir rempli, quel est celui qui s'impose? Il nous semble évident qu'après la faiblesse du vieillard, c’est celle de l’enfant qui réclame d’abord l’interven tion de la société. Si nous ne pouvons d un seul coup faire disparaître toutes les inégalités de naissance et de fortune, tâchons du moins qu’elles ne se perpétuent pas indéfiniment. En admettant qu’il ne soit pas en notre pouvoir de rendre effectivement « libres et égaux en droits » tous les hommes de la génération présente, devons-nous y renoncer d’avance pour la génération qui nous suit? Ou plutôt, car il faut nous mettre en face de notre responsabilité tout entière, avons-nous le droit d’infliger aux enfants, c’est-àdire à la société de demain, le régime d’inégalité que nous condamnons dans la société d’aujourd’hui? Républicains, démocrates, radicauxsocialistes, pouvons-nous donner ce démenti à nos principes de ne rien tenter pour qu’à partir d’un certain moment il y ait un changement qui permette désormais aux enfants de ce pays, selon la formule de nos pères, de naître et de rester « libres et égaux en droits ? »...

À propos

Fondée en 1893, La Dépêche du Berry était un journal régional suivant une ligne éditoriale de centre-gauche, ou « radicale ». Il paraît jusqu'en 1944.

En savoir plus
Données de classification
  • victor hugo
  • millerand
  • corneille
  • pichon
  • bodin
  • jean dupu
  • gabriel volland
  • shakespeare
  • tour
  • fétiv
  • paris
  • berry
  • limoges
  • bourges
  • vierzon
  • france
  • maroc
  • italie
  • reims
  • vic
  • parti socialiste
  • la république
  • faits divers
  • parti radical et
  • parti radical
  • conseil général
  • société victor hugo