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La Dépêche, 2 avril 1915

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La Dépêche
2 avril 1915


Extrait du journal

Quand l'Allemagne sut que l'Angleterre n'assisterait pas les bras croisés à la violation de la neutralité belge, s-i stupeur fut immense. « Vous nous poignardez dans le dos ! a dit l'un des méprisables domestiques chamarrés de Wilhelm II au représentant du noble peuple britannique. Et Wilhelm Il luimême fit rapporter à l'ambassadeur d 'Angleterre tous les ordres anglais qu'il avait reçus. Cette stupeur constitue peut-êt-re le plus terrible jugement qui ait été porté contre 1 Allemagne. Elle permet de toucher le fond de sa triste mentalité. Entre cette mentalité-là et celle de l'apache de barrière, il n'y a, en somme, aucune différence. L'apache a méd1té un mauvais coup ; il sa t qu'il y a, dans une maison isolée, de braves gens fort riches qui . ne se gardent pas beaucoup. Le chien qui veille à la porte est pacifique comme ' et, dérogeant à l'habitude de ses congénères, ne saute même pas aux mollets des individus mal vêtus. On abattra le chien après l'avoir caressé ; puis on envahira la maison. Cependant la famille qu'il s'agit d'estourbir est composée de plusieurs personnes. Il faut être au moins deux poui l'astassiner confortablement. Si l'on est deux, l'expédition devient facile et sûre. On est deux ; on part. Mais-le chien, contrairement à ce qu'on avait espéré, ne se laisse pas approcher. Au contraire, il aboie avec fureur ; toute la maison est bientôt sur pied. Le coup est manqué. L'ap3che et son « poteau » (l'Allemagne et l'Autriche) sont jetés en prison en attendant d'être envoyés devant des juges. Ils ne se disent pas que le fidèle gardien a fait son devoir et que tout est bien, au total, puisqu'un crime a été empêché. S'ils étaient capables d'une teile réflexion, ils n'auraient pas même conçu leur projet 1 sinistre. Non ! Ils pensent tout bonnement : a Sale cabot ! Sans lui, ça y était ! » L'Allemagne pense encore, à tort ou à raison, que sans l'Angleterre, ça y était ». Et sa stupeur du début a fait place à une rancune féroce. Elle a sur le cœur une cou. che épaisse de bile extravasée. Jamais elle ne pardonnera à l'Angleterre. Elle parle maintenant des Français avec une admiration nuancée de sympathie (ce qui est d'ailleurs la plus grave offense qu'elle puisse leur faire) ; elle n'a plus pour les Russes ce mépris qu'elle affectait même encore après Gumbinen. Mais les Anglais ! Ah ! si elle pouvait bombarder l'île de John Bull et, après l'avoir bombardée, l'envahir ! C'est alors que nous assisterions à un beau massacre. Ce que l'Allemagne a fait à Louvain, à Visé, à Gerbéviller et ailleurs, est certes suffisant pour consacrer sa réputation de barbarie jusqu'à la fin des siècles. Mais en Angleterre, l'Allemagne se surpasserait. Elle le sent, elle en est sûre. Dommage que l'Angleterre soit une ile !...
La Dépêche (1870-1944)

À propos

La Dépêche est un quotidien français régional fondé à Toulouse le 2 octobre 1870 sous l’initiative d’ouvriers de l’imprimerie Sirven. Par ses plumes, le journal s’inscrit dès ses débuts dans une mouvance de gauche, Jean Jaurès et Georges Clemenceau y sont très engagés politiquement par exemple, et le journal finit par s’affirmer en faveur de la révision du procès Dreyfus. Maurice Sarraut, membre du Parti radical-socialiste, en devient propriétaire en 1932.

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