Extrait du journal

Essayons d'abord d'exposer la théorie bolchevik de la monnaie sous la forme la plus séduisante, en laissant pour an instant de côté les difficultés et les objections. Vous allez voir comme c est eimple et en apparence admirable. [L'Etat décide de fabriquer chaque mois 'deux fois plus de billets que le mois précédent et de payer les fonctionnaires 'deux fois plus cher. En janvier, il fabrique un milliard (en Russie, ce sont nes roubles; en France, ce seraient des francs); en février, il fabrique 2 milliards, en mars 4 milliards, etc. En novembre, il fabrique ainsi 1.024 milliards et en décembre 2.048 milliards, ce qui fait 4.095 milliards pour l'année. Il s'agit maintenant de pouvoir recommencer l'année suivante. Il suffit pour cela de décider que le rouble 1923, qui sera, par exemple, bleu, vaudra 4.000 fois autant que le rouble 1922, qui était rouge. Un billet d'un rouble bleu l'échangera contre quatre billets de 1.000 roubles rouges. De la sorte, le milliard de roubles bleus, que l'on fabriquera en janvier 1923, vaudra à peu près le double" des 2.048 milliards de roubles rouges fabriqués en décembre 1922. Il suffira' de fabriquer en 1923 un milliard supplémentaire de roubles bleus pour pouvoir retirer de la circulation les 9.000 milliards de roubles rouges émis en 1922. Dès avril 1923, tous les roubles rouges seront ainsi retirés, et il ne subsistera plus que les roubles bleus, .que l'on remplacera à leur tour, en 1924, par des roubles verts, et ainsi de suite. Rien de. plus simple : PEStat fabrique chaque Écriée 4.000 milliards et la 'circulation n'augmente pas d'une année à l'autre. !Les traitements douhlant tous les mois, les. salaires doublent aussi, et tout naturellement les prix de toutes les marchandises doublent également tous les mois. Entre l'augmentation des prix et celle des salaires, il s'établit une sorte d'équilibre, de sorte que le salarié n'en est ni plus pauvre ni plus riéhe. Tous les impôts peuvent être supportés, ainsi que la dette publique, puisque l'Etat se procure par la fabrication des billets tout l'argent dont il a besoin. En réalité; des impôts énormes sont payés chaque jour par tous les détenteurs de billets; la pâleur de ces billets va sans cesse en •diminuant, ils s'évaporent en quelque sorte, puisque les prix vont sans cesse en augmentant. Si l'on oublie 4.000 rou,'bles dans un tiroir, au bout d'un an -il s. ne vaudront qu'un rouble et, un an plus tard, ils vaudront moins que du papier blanc. Cette perte subie par les détenteurs de billets est un profit pour l'Etat émetteur; l'impôt n'est pas appazenf;, mais il est 'formidable....