Extrait du journal

Les gens qui lisent les bulletins météoro logiques ont été sans doute quelque peu sur pris en apprenant que ta température de dimanche dernier, qui nous parut si froide, était sensiblement égale à la normale. Ce pendant, le soir même de ce jour si fâcheux, l'avais fait remarquer à quelqu'un qui se plaignait que c'était là un temps tout à fait normal et que nous en aurions la preuve le lendemain. Je dois avoir une vocation mé téorologique. Du moins je sais, par une hop vieille expérience, que c'est précisément quand la température est normale, c'està-dire conforme aux moyennes observées depuis de 1 onques années que l'on gémit le plus sur l'inclémence du temps. Noire idéal, en fait de température, serait de ne pas la sentir, de la trouver neutre, parfaitement adaptée à notre sensibilité, à l'épaisseur de nos vêlements et à beaucoup d'autres choses encore, quand cela ne serait que no tre imagination. Mais ce sont des conditions qui ne sc présentent que rarement, même pour une personne donnée. L'une sera con tente, tel four, et l'autre sc sentira encore blessée. Le temps n'a pas d'oreilles, mais s'il en avait et s'il voulait contenter tout le monde, il n'y réussirait pas mieux que dans son état actuel de surdité et d'indifférence. Du reste, c'est une question de savoir si nous sentons la température telle qu'elle est ou si notre imagination n'y a pas une gran de part, si aussi elle ne se manifeste pas surtout par contraste. Un four, au mois de mai, nous semblera toujours froid quand il succède à un four très chaud. La moindre clémence, en hiver, nous paraît presquft exc.es si vie. La température est dans nos nerfs et non dans les thermomètres. Remy de Gourmont....