Extrait du journal

Les sentiments de regret et de jalou- j sie sont trop humains pour qu'on puisse s'étonner de les rencontrer dans des circonstances pareilles. - Les indigènes sont outrés de payer nominalement le même prix que les étrangers, ce qui fait qu'en réalité, ils payent beaucoup plus et il leur semble qu'il y a toujours au fond du cœur de l'étranger — avoué ou dissimulé — un sentiment de mépris ou de pitié pour les habitants des pays à change avarié. Les étrangers intelligents s'en rendent bien compte. On a pu lire ces jours-ci dans les journaux américains et anglais des conseils de modération et de discrétion à l'adresse de leurs nationaux. Exhiber d'un air insolent des liasses de billets pour faire sentir au spectateur le triomphe du dollar ou de la livre, c'est en quelque sorte le provoquer dans son amour-propre national, le billet de banque devient lit' drapeau et les deux patriotismes ne, peuvent (lue se heurter violemment. Reconnaissons d'ailleurs que ces gestes maladroits eu malhonnêtes sont le fait d'une minorité parmi les étrangers. La richesse ne confère pas le savoir-vivre à tout le monde, et encore moins aux parvenus du change. (Ve confondons pas tous les Américains et tous les Anglais avec ceux-là. 1 Mais si le déséquilibre des changes explique — sans la légitimer — l'arro-, gance de certains touristes de Londres ou de New-York, il y a par contre une chose qui, pour nous Français, est inadmissible. C'est l'arrogance de Français vivant des étrangers vis-à-vis d'autres Français. La France donne l'hospitalité et reçoit ses hôtes en égale. Nqus ne pouvons tolérer que des compatriotes domestiqués refusent de nous vendre ou de nous servir pour donner la préférence à des acheteurs ou à (les consommateurs qui payent -en monnaie forte. Cette dénaturalisation morale est une injure pour l'immense majorité de nos compatriotes pour qui nos hôtes ne sont pas nos maîtres et nous comprenons beaucoup mieux que des représailles soient exercées cout.re de pareils manquements à la dignité nationale que contre d'inoffensifs promeneurs en autocars qui sont ce qu'ils sont, mais qui restent du moins eux-mêmes....