Extrait du journal

Nous sommes au calme plat, au calme blanc, selon l’expression imagée des marins. La saison morte bat son plein, les feuilles tombent, jonchant la terre, et une mélancolie immense, prélude du triste hiver, envahit en même temps la nature toute entière et les cœurs. C’est l’automne morne, à l’aspect fu nèbre, qui sonne le glas de la vie végé tale. Partout on se recueille, on rentre en soi, on se prémunit contre les rigueurs de l’hiver qui approche à pas lourds. Dans les grandes villes, les réceptions mondaines commencent; mais à Biar ritz, dont la seule industrie est l’étran ger, on n’a pas grand chose à faire, en tre le Russe parti et l’Anglais attendu, et, les négociants sur le pas de leur porte, passent leur temps à se tourner les pou ces, à jaboter sur l’un et sur l’autre et à « espérer », patiemment, les riches clients rêvés. Le Casino a fermé ses portes depuis longtemps, après ample moisson habile ment réalisée; la Saint Martin a clos la série des fêtes gastronomiques ; à cette heure, Biarritz dort. On n’a rien à faire, dirait La Bruyère, « qu’à se regarder au visage et à se désapprouver mutuelle ment ». Je vous prie de croire qu’on ne s’en fait pas faute ! Après tout, il faut passer son temps à quelque chose, n’estde pas ? et le plus aisé encore, en fait de travail, c’est de casser du sucre sur le 40s du prochain !...