Extrait du journal

Ce sont des pensées suggérées par une haute intellectualité religieuse ui ont amené l’Eglise à rapprocher e la fête de tous les Saints la com mémoration des Morts. La Toussaint réunit dans un hommage collectif les saints inconnus de la foule. De même, le Jour des Morts réunit dans une commémoration générale tous les chrétiens morts sans qu'il ait été possible de leur rendre les devoirs funèbres. Les uns périssent sur les champs de bataille, les autres sont engloutis dans la mer et n’ont pas de tombeau sur lequel un parent ou un ami puisse venir s’agenouiller. Beau coup ont passé dans la vie complète ment ignorés. Il est bon que, chaque année, ils soient l’objet d’une commé moration solennelle. Le moment a été d’ailleurs bien choisi ; c’est le déclin de l’automne. Le soleil n’a plus qu’une clarté pâle, les nuages s’interposent plus épais entre lui et la terre, la nature entre dans l’engourdissement et le monde semble s’envelopper d’un linceul. C’est une suggestion aux méditations mélanco liques et les âmes sont plus disposées que jamais à se reporter au souvenir des défunts. Pour les chrétiens, ce souvenir n’est pas assombri par la désespérance. Ils savent que la vie n’est qu’une étape dans la carrière humaine. Un poète délicat, Joseph Boulmier, a traduit ce sentiment dans un délicieux sonnet : La mort n'est pas la mort ; la Médaille éternelle A pour face la vie et la mort pour revers ; Prêtre amoureux, devant son image si belle J’allume chaque nuit le flambeau de mes vers. Ainsi que des enfants, nous pleurons devant elle, Nous tremblons quand sa main nous arrache k nos fers : Dans l’immense Océan, la goutte d'eau rebelle Tombe avant de sortir perle du sein des mers. C'est la Mort, au grand Tout qui réunit l'atome ; C'est elle, dans mon sein, qui fait taire un cœur d’bommc Pour qu il batte k jamais, cœur de l’humanité. Nous sommes des ingrats : Nous la trouvons amère. Nous l'appelons Néant... Non ! C’est la grande Mère Qui nous engendre k Dieu dans sa fécondité. Ainsi, pour tous ceux qui ont le bon heur d’ètre restés fidèles à la foi de leur enfance, la commémoration des Morts prend un caractère tel que la certitude de retrouver un jour ceux dont nous ne sommes séparés que pour un temps, adoucit l’amertume de nos regrets. Ce n’est plus qu’un hommage attendri aux disparus de la famille, de l’amitié ou, d’une façon générale, de l’humanité toute entière. L’année qui se termine a été mar quée par des hécatombes dont quel ques-unes sont pour ainsi dire d’hier. Ce nous doit être une incitation de plus à unir nos prières pour le repos de l’âme de tous ceux qui nous ont précédés dans la voie de laquelle cha cun de nous se rapproche chaque jour. > ...