Extrait du journal

ne pourraient jamais rien savoir ; donc tout était pour le mieux dans le meil leur des mondes. Cependant, après qu’il eut fumé sa pipe en se reposant au frais, sur son banc, l’idée de revoir sa victime, de se rendre compte de ce qui avait bien pu se passer depuis sa fuite, cette idée lui revint d’abord comme une fantaisie, puis obsédante. Il rechargea son fusil, remit ses souliers, attendit que la lune se fût levée, puis il s’en alla tranquillement au long des avenues, ainsi que quel qu’un qui ne va qu’à l’affût. Comme le braconnier ne se pressait pas, il était plus de onze heures quand il arriva au milieu de la clairière de La Croix du Mort. Il s’orienta, puis marcha droit vers la place exacte où le garde était tombé. Les grands-ducs s’appelaient avec des hou, hou, hou, sinistres ; des gre nouilles coassaient par intervalles dans les lointains de l’étang ; mais, à part cela, Le Renard ne voyait rien dans la nuit claire, n’entendait rien dans le vent tiède. Et il hésitait ; et il avait peur. On eût dit qu’il craignait que le mort ne se fût redressé, qu’il ne s’avançât chancelant de son côté... pour le mau dire. Enfin, il lâcha un juron afin de se donner du courage, arma son fusil, et, à tout petits pas, acheva la courte distance qui le séparait encore du cadavre....