Extrait du journal

port sympathique avec toutes les élégances matérielles et toutes les idéalités gracieuses ; vous étiez ce que rê vent et chantent les poètes, ce qu’imaginent les ro manciers, ce qu’adorent tous les jeunes hommes, et peut-être alliez-vous vous adorer vous-même tant l’ad miration et l’adoration sont contagieuses, tant nous sommes portés à la déification de notre pauvre nature infirme! C’était hier, n'est-ce pas, que tout cela se passait ; votre cœur, votre esprit, sont tels qu’ils étaient alors, car vous n’avez ni dégradé, ni faussé, ni flétri l’un et l’autre. Et, pourtant, vous n’êtes plus cette fée qui sentait en elle le pouvoir des miracles, dont un regard eufl immait ou touchait les cœurs, dont la moindre parole obtenait tout, dont la présence, enfin, égayait et charmait toute assemblée. Vous êtes encore belle et chacun vous le dit ; mais dans ce temps on n’aurait osé, on n’aurait pas su vous le dire. Vous éprouviez l’émotion en la faisant naître ; vous étiez une harpe éolienne vibrant au moindre souffle d’air et dont les sons réveillaient aux alentours des échos harmonieux et doux. Vous n’aviez pas jugé la vie; elle vous troublait à votre début comme ‘les premières gorgées d’un vin généreux troublent celui qui ne s’est encore désaltéré qu’aux sources d’eau vive. Le charme de cette demiivresse, vous l’avez craint, n’est-il pas vrai? Envoyant l’esclave abruti, au sortir du banquet, trébucher sur le sol et chuter dans la fange, vous avez éloigné de vos lèvres la coupe aux riantes illusions et fatiguée parfois de lutter contre le démon de la jeunesse et du plaisir, vous avez appelé à votre aide le temps et les années qui calment, qui apaisent, et qui glacent enfin! , . Pas n’était besoin d évoquer ces guérisseuses inexo rables. Chacune a rapidement passé auprès de vous, marquant d’un léger trait d’abord, puis, d’un sillon plus accusé, sa trace sur notre visage. Et encore les dix étés qui viennent de mûrir votre esprit et vos traits ne sont-ils pas la phase la plus redoutable. Dans dix ans......