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La Gazette, 8 octobre 1849

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La Gazette
8 octobre 1849


Extrait du journal

LA POLITIQUE ET LA RELIGION. Depuis plus d’un siècle la France n’a plus ni politique ni religion. La politique a été remplacée par la diploma tie, et à la place de la religion on a mis le mot religiosi té. Le signe distinctif d’un siècle de décadence est la transformation du vice en vertu par un changement de mot. L’avarice s’appelle économie, la lâcheté , prudence; et le crime, fait accompli. C’est aussi depuis un siècle que la sottise en place et le pédantisme en évidence ont entassé lieu commun sur mensonge, pour tracer une ligne de démarcation entre la religion et la politique. Autant entendre des paralyti ques proclamer quo la santé et la vio sont deux choses différentes et indépendantes l’une de l’autre. La politique et la religion sont tellement identiques que presque chez tous les peuples la forme politique n’a été que la consé quence forcée du principe religieux. Chez quelques-uns seulement, la religion s’est modelée sur les premières notions de la société politique. Ils étaient dans le faux, mais ils étaient logiques. Au^si longtemps que la religion était humaine, elle servait de porte-queue à la politique. Dès qu’elle devient divine, elle en est le porte-flambeau. Partout l’homme est le point de coliésiou entre le ciel et la terre. Là où l’homme matériel tient de t’animai plutôt que de l’ange, il ravale le ciel et le modèle sur ses idées de la vie ter restre. IA, au contraire, où l'homme, s’émancipant par l’esprit, plante fièrement son berceau dans le ciel, la terre, c’est-à-dire la loi politique, suit ce mouvement as cendant et se transforme en loi morale. Tout le progrès de l'humanité est dans celte différence. L’homme intellectuel, le chrétien, élève la terre vers le ciel et crée la liberté par l’immortalité delà vie; l’homme matériel, le politique du fait, anihilo le ciel et aboutit forcément au despotisme. Le premier spiritualise la ma tière et la rend immortelle, le second matérialise l’esprit et l’assassine. Le premier approche de l’ange; le second, dégénère en brute. Le premier crée l’individu et, par la liberté, le fait sortir de la masse brutale, en l’élevant vers Dieu ; le second abaisse les hauteurs de l'esprit au niveau de la masse et crée l’égalité de l’esclavage. Le premier enfin a créé l'héré iité du pouvoir et de la propriété, le se cond a inventé la démocratie élective et le communisme. La société historique commence presque partout par l’idolâtrie et le despotisme, c’est-à-airo par Végalité né gative dos hommes. En effet, la seule égalité créée par l'homme, comme droit,est celle de l’esclavage devant un despote et une idole.—L’égalité morale devant la loi n’est pas un droit, mais un devoir, la loi morale n’étant pas l’œuvre de l’homme, mais celle de Dieu. — L’égalité de f lit au nom du droit, c’est l’esprit, esclave de la matière, c’est la masse qui proclame le despote et l’idole, sauf à les abattre tous deux quand ils ne lui plaisent plus, pour en créer d’autres. Quand une société prend une bête ou un bloc de mar bre pour en faire un dieu, personne ne se plaindra de cette supériorité. C’est l’orgueil humain, jaloux d’égalité, qui a créé l’idolâtrie et le despotisme. Quand personne n’a de droits devant le despote , tout le monde est égal ; d’autant que le despote lui-même sera tôt ou tard mis au niveau de l’égalité générale. Dans une telle société, tout est négatif, même la divinité. De liberté, pas une trace; car la liberté exclut forcément l’égalité. Que ce soit l’ido lâtrie qui a créé la tyrannie ou la tyrannie qui a créé l’idolâtrie, peu importe ! Toujours est-il que les deux négations sont parallèles et réciproquement cause et effet. Dans une telle société, la religion est un abrutissement et la vie une mort permanente. Si jamais l’égalité sociale parvenait à s’emparer des hommes; si, de nouveau, l’esprit devait être enchaîné par la matière, et qu’un communisme brutal tût intro duit de gré ou de force, les hommes poussés par la logi que auraient de nouveau recours à une religion équiva lente; de nouveau la société, dominée par le despotisme...

À propos

La Gazette est le tout premier journal français à paraître grâce au soutien du cardinal de Richelieu. Créée en 1631 par Théophraste Renaudot, qui s’était vu octroyer ce privilège du Roi Louis XIII, La Gazette était la seule publication habilitée à annoncer publiquement les nouvelles venant de l’étranger. Il s’agissait de l’organe quasi officiel du Conseil du Roi détenant le monopole de l’information diplomatique et parfois des affaires intérieures. D’abord hebdomadaire, il devient quotidien à compter de 1792.

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