Extrait du journal

VL ‘ 1 • ’ '• ^III. — ERNEST RENAN \/.?Ai-je eu raison de faire, dans ces études sur les Individualistes modernes, une place à Ernest Renan? Plus d’un d’entre mes lecteurs le contestera, sans doute. Quel lien, demanderat-on, peut-il y avoir entre le pessimisme forcené d’un Nietzsèche, frénésie iconoclaste d’un Stirner et la sérénité souriante d un Renan? Ceux-là s’étaient rués, avec des fureurs de barskias, à travers la civilisation moderne. Ils en ont dit les bassesses et la stérilité. Ils ont proclamé l’impuissance de la raison, la banqueroute de la science et, avant tout, la faillite de ces disciplines historiques qui emplissent les cerveaux des images décevantes du passé au lieu d’y susciter l’énergie réalisatrice du rêve de l’humanité future. Toute leur œuvre est comme le déchaînement d’une imagination irréfrénable, comme le cri d’une sensibilité morbide, vibrant avec intensité, mais ne sachant vibrer qu’à une seule émotion indéfiniment révoquée. Renan n est-il pas à F composite de ces énergumènes? Il semble aussi calme qCi’ils sont démontés, aussi maître de lui-même qu ils sont les jouets de leur passion, aussi attaché à représenter impartialement les « lignes luxueuses » de la marche des sociétés humaines qu’ils sont incapables d’échapper, est-ce un instant, à la tyrannie de leur Moi. infatigablement il a cheminé à travers les siècles et les nations et il.a rapporté de ses pèlerinages tout un peuple de tableaux infiniment harmonieux. Il a su ressusciter les langues, les mythes et les religions primitives et comprendre en même...