Extrait du journal

Impossible d’en décrire, ni même d’en compter les vagues. Cela monte du fond des âges avec une grande rumeur. Confuse, réorganisée, heurtée, avec des chants d’oiseaux qui planent et au-dessous desquels soudain tout ce tumulte baisse comme pour un accompagnement aussi riche qu’indéfini. On ne sait par quel bout la prendre. Quand on croit la saisir, c’est elle qui vous saisit, ou plutôt vous enveloppe, remplit tous les interstices de vos idées, qu’elle brouille, et dont elle détruit les arêtes et les articulations. Ce n’est pas qu’elle nie, ou dissocie. Bien au contraire, elle confond. Vous aviez cru tenir une définition de celte âme protéiforme, du moins de l’un de ses aspects. Durant le temps que vous prépariez votre discours, des tentacules ont poussé de la surface que vous veniez de nettoyer, l’ont enlacée de partout pour la noyer de nouveau et en présentent maintenano un autre angle d’émergence qui, à peine entrevu, s’engloutit. Le panthéiste, cette « religion occulte de l’Allemagne » (1), est bien plus que le résumé et l'exposé de l’ensemble d’une pensée ; il est ici la substance même et la chair des hommes et des choses, la réalité spécifique qui les englobe...