Extrait du journal

Les Nationalistes viennent de remporter une brillante victoire à Moissac, où ils ont gagné le siège du radical Chabrié. Leur candidat, M. Arnal, officier démis sionnaire au lendemain des incidents d’Auteuil, a été élu, battant deux représentants du Bloc, ainsi qu’on l’a vu hier. On nous dit que le nouveau député est un cousin de notre ami Lasies. Voici là lettre que M. Arnal adressa au président Loubet, lorsque celui-ci eut ac cepté sa démission. Monsieur le président de la République, Vous avez accepte ma démission, et je vous en remercie. 11 me reste à vous dire toute la vérité. Si j’abandonne un métier que j’aime — celui de mon père — l’obligation que j’ai invoquée auprès de vous d’aller gérer une propriété n’est pas lo réel motif de ma décision. Les braves paysans qui vivent chez moi me don nent ce qu’ils veulent a la fin de l’année et cela me suffit. Sans doute, je serais heureux d’aller leur donner un coup de main et de leur parler de vous. Mais puisque mon sabre ne doit pas me servir à debarrasser mon pays de l’ennemi qui a franchi la frontière, et dont vous1 êtes lo prisonnier; puisque le sort unique qui lui est réservé est d’avoir encore à vous saluer, je vous le rends. En le portant, j’ai rougi deux fois. J’étais sous les armes au ministère des affaires étran gères quand vous y êtes entré, venant de Vôrsailles, au milieu des sifflets et des huées, et quand le drapeau, tout près do moi, s’est abaissé en votre honneur, il m’a semblé qu’un peu de votre honte rejaillissait sur lui et sur moi. Le 7 mai, j’étais de garde dans votre palais, et après une ronde de nuit, après avoir véri fié qu’aucun danger ne nous menaçait, j’ai pleure sur le métier qu’on me faisait faire, j’ai rêvé qu’un Déroulèae m’ordonnait de vous arrêter. La réalité m’obligeait le lendemain à vous rendre les honneurs. Vous m’avez regardé, je ne sais si vous avez vu la rougeur haineuse de mes joues. Je vous hais, monsieur le président de la République, uniquement parce que vous faites beaucoup du mal à la France. " Vous n’êtes pas la Force mauvaise, mais bien la Faiblesse rusée, dangereuse et complice. Après avoir couvert les voleurs, vous vous préparez à couvrir les traîtres. J’ai donné ma démission pour dire ce que jo pense; le silence m’étouffait, et pour ne pas forcer mes pairs à m’appliquer à contre cœur les règlements militaires. Poursuivez-moi, si vous l’osez, devant la justice commune. J’aurai pour témoins MM. Drumont et Quesnay de Beaurepaire. Que dites-vous de ces deux parrains pour ma jeunesse ? Mais j’oublie que vous avez à relever les injures du représentant do l’Algé rie et de l’ancien président de Chambre, avant de songer à celles que vous adresse, du fond de son âme meurtrie, un pauvre officier subalterne. En attendant, je vais me battre avec la plu me et crier sur les toits. Je n’aurai pas le ta lent de Lasies ; je tâcherai d’avoir son acti vité, j’aurai son patriotisme. Mon père fut un officier impeccable qui, en vaillant soldat, m’a appris a mépriser les gens qui vous ressemblent. Je crois que c’est tout ce que j’avais à vous dire. Pierre Arnal, Lieutenant démissionnaire. Au cours de la période électorale les adversaires de M. Arnal ont cru habile de publier cette lettre si franche et si énergi que. Cette publication n’a eu pour résultat que de faire approuver par 5,/*18 électeurs une appréciation sévère,mais juste,du rôle ignominieux joué par l’hôte actuel de l’Elysée-Saint-Honoré. AU JOUR LE JOUR...