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La Libre Parole, 4 décembre 1903

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La Libre Parole
4 décembre 1903


Extrait du journal

qu’il peut continuer à agir de la même façon, si tel est son bon plaisir. Et cela sans avoir même l’excuse de l’entraînement passager produit par un discours éloquent, ou une défense habile, car Pelletan, qui fut jadis un orateur assez remarquable, s’était mont ré, en la circonstance, bien infé rieur à lui-même. Mais, en fin de séance, M. Sarraut, ami personnel du ministre de la marine, était monté à la tribune et avait adressé aux membres de la majorité une sommation com minatoire. Et quoique son discours un peu pompier ait fait dire à quelques-uns de ses coreligionnaires politiques que c’était sans doute Pelletan qui lui avait appris à manier la gaffe, il n’en produisit pas moins un grand effet. C’est que Sarraut est le frère du correspondant parisien de la Dépêche de Toulouse, qui est le grand journal radical-socialiste du Midi. Sa présence â la tribune signifiait, pour les députés du Bloc des dix-sept départements dans lesquels la Dépêche est vendue, que leur défaillance serait soigneusement notée et qu’ils n’au raient plus A compter sur son appui s’ils refusaient d’accorder leur con fiance au ministre. Il leur fit peur, et tous ces députés méridionaux, qui, aux séances du ma tin et de la veille, avaient applaudi à tout rompre les attaques de Lockroy, de Chaumet et du colonel Rousset contre Pelletan, s’empressèrent de dé férer aux injonctions du député de Lézignan et votèrent, la mort dans l’iime, comme il leur était ordonné. Et puis, le discours de Sarraut con tenait encore autre chose. Il menaçait de l’excommunication majeure, c’està-dire île l’expulsion du Bloc, tous les députés qui ne se montreraient pas suffisamment disciplinés. L’allusion était tellement directe que tous ont compris. Cela voulait dire : « Votez bien, ou, sinon, plus de bureaux de tabacs, plus de faveurs, plus de prébendes, plus de fonds se crets ni de candidature officielle... » Mettez-vous un peu dans la peau de ces gens-là. A part quelques rares et honorables exceptions, la politique est, devenue, pour la plupart d’entre eux, un métier dont ils vivent et dont ils paraissent tirer grand profit. Si vous les prenez individuellement à part, ils seront tous de votre avis. Ils déclareront que Pelletan est un homme d’une honorabilité suspecte, qu’il ne s’est jamais clairement expli qué sur ses relations avec le directeur de la Voie Ferrée, qu’il a soigneuse ment fui toute espèce de débat sur l’affaire Parayre et que c’est com mettre une véritable trahison que de le maintenir plus longtemps au minis tère de la marine. Ils reconnaîtront qu’il désorganise tout ce qu’il touche et que si on le laisse faire encore pendant quelques mois nous n’aurons plus de flotte. Voyez les mêmes individus en séance, vous serez stupéfaits de la transfor mation. C’est que, là, ils sont sous l’œil de leurs chefs et de leurs dirigeants. Ils n’ont plus de volonté personnelle. Ils l’ont abdiquée entre les mains de l’homme de leur parti, qui détient les bulletins de vote. Ils savent que, s’ils font acte d’in dépendance, ils auront les reins cas sés à la première occasion. Ils se tien nent cois et laissent faire, car, avant tout, if faut vivre. Un jour, je causais dans les cou loirs avec un membre de la majorité, brave homme, jadis boulangiste ar dent et patriote enragé. Je m’étonnais d’avoir vu son bulle tin mêlé à ceux des internationalistes dans un vote intéressant la défense nationale. « Comment avez-vous pu faire, lui disais-je, pour marcher avec ces gens-là, vous qui êtes un brave homme et un bon Français? »—« Mon cher, me répondit-il, je ne sais même pas comment j’ai voté. J’ai confié ma boîte à un tel. Il a fait ce qu’il a vou lu. Je ne m’en suis même pas occupé, car il a l’ordre de me faire toujours voter avec mon groupe. » Cette réponse explique tout,....

À propos

Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».

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