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La Libre Parole, 9 juillet 1906

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La Libre Parole
9 juillet 1906


Extrait du journal

RÉPARATIONS LOCATIVES Voici venir le terme de juillet. Bien que ce soit celui de l'année où l’on déménage le moins, les propriétaires et les gérants d’immeubles sont en train, surtout. dans les quartiers riches, de faire la note de ce qu ils appellent « les réparations locatives ’>. C’est une des plus ingénieuses flibusteries is sues du droit de propriété, tel que l a institué la révolution bourgeoise de 1789. Quand vous prenez un fiacre, vous donnez vingt-cinq ou trente sous au cocher sitôt que vous êtes arrivé ; vous ajoutez quelques sous de pourboire, selon l’usage, et vous êtes quitte. Si un cocher, apres avoir perçu le prix de sa course et son pourboire, vous disait soudain : « Pardon, veuillez rajouter trois sous pour 1 usure de mes pneumatiques et des ressorts de ma voi ture que votre poids a un peu fatigués... » Vous l’enverriez promener avec entrain, et s’il insis tait un peu vivement, un sergent de ville aussitôt requis lui dresserait procès-verbal et l’enverrait peut-être au Dépôt. Il n'en est pas de même du propriétaire ou du gérant d’immeubles. Pendant trois, quatre ou six ans, vous avez habité un appartement, payé exactement votre terme, puis donné congé en temps et lieu. Vous croyez ne rien devoir au propriétaire ou au gérant de la maison que vous quittez 7 Erreur! Il apparaît le jour du déménagement et vous pré sente une note de trois ou quatre cents bancs. Cette note conçue en termes d’architecte, — les gérants d’immeubles sont parfois des architectes qui n’ont pas réussi dans la vie et qui n’ont pas songé à la députation, ce dépotoir de tous les inutiles et de tous les ratés, — se compose de huit à dix pages de papier écolier. On vous compte là-dessus deux sous par trou de clou ar raché, quatre francs cinquante pour chaque par quet non ciré et encaustiqué, cinq francs pour chaque plafond noirci par la fumée, dix francs pour chaque glace rayée, — elle l’était générale ment avant que vous entriez dans l’appartement, —- quinze francs pour des marbres de cheminée fêlés par des locataires antérieurs qui les ont d’ailleurs payés, sans compter les parquets brû lés par d’autres que vous, les papiers fanés par le soleil, et les conduites de gaz établis à vos frais, et dont le loueur vantera d’ailleurs l’uti lité au locataire qui vous succédera. Souvent, avec une habileté infernale, celte note vous sera présentée par le concierge au milieu du déménagement, alors que la moitié de vos meubles sera déjà chargée sur le wagon et que l'autre moitié sera encore dans l’appartement que yous quittez. Et devant votre protestation,1e concierge, bien stylé, vous dira : — Payez ou je m’oppose au déménagement ; c’est l’ordre du gérant. Vous avouerez que le droit de propriété ainsi exercé sur vous a des allures de brigandage ou de guet-apens. Il y a d’honnêtes propriétaires qui rougiraient de l'employer. Il y en a d’autres, et ce sont surtout leurs gérants, et souvent à l’insu d’eux, qui spéculent sur l’embarras du locataire. Celui-ci ne sait où donner de la tête ; il songe qu’en renvoyant le wagon et en le faisant reve nir le lendemain, il paiera deux fois son démé nagement ; il subit le chantage ; il paie et le tour est joué. 11 faut reconnaître, d’ailleurs, qu’il a été bien imprudent en entrant dans un appartement sans en faire faire un état des lieux précis et exact, constatant tous les défauts, dégâts et détériora tions antérieurs à son occupation par un archi tecte à lui, et sans avoir fait signer cet état des lieux à son propriétaire. Car celte précaution elle-même ne suffira pas ; il faudra qu'il paie l’usure même de son occupa tion ; chaque tableau qu’il accrochera paiera plus tard un droit, ce qui est, convenez-en, un abus in tolérable et monstrueux. La note de 300 francs qu’on lui présentera à son départ sera réduite par un juge de paix à trente ou cinquante francs, soit, mais n'est-ce pas en core trop ? El les locataires ne devraient-ils pas être enfin un peu protégés ? Ils se sont contitués en ligue, mais lie devraientils pas faire un peu entendre leurs voix auprès des pouvoirs publics ? Quatre fois par an. leurs réclamations pren draient une allure d'actualité et seraient soute nues par une clameur indignée dont ils n’ont pas idée 1 Jean Drault....

À propos

Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».

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