Extrait du journal

Un vaillant soldat, le lieutenant Car peaux, qui porte dignement un nom illus tré par son père, le grand artiste qui sculpta le groupe de la Danse de l'Opéra de Pans, est en train de faire une série de conférences sur un séjour qu’il vient de faire parmi les Touareg. Je ne suis pas ennemi des voyages et des explorations. Je suis seulement un peu rebelle aux idées de conquêtes colo niales, et j’admets difficilement le pré tendu droit des peuples civilisés à impo ser leur civilisation, même par la force, aux peuples qu’ils appellent sauvages. Mais si je répugne à ^conquérir, je ne refuse pas de connaître, et j ai lu avec beaucoup d'intérêt les renseignements que fournit M. le lieutenant Carpeaux à ses auditeurs sur les femmes appartenant à cette étrange peuplade. Elles ne sont pas jolies, jolies, les fem mes touareg, si nous en croyons M. Car peaux. Leurs traits ne sont pas réguliers, et la première jeunesse passée, le mariage consommé, c’en est fait de leurs charmes : ils sont bientôt envahis par la graisse. Etre grasse, aux yeux d’un Touareg, c'est être belle. Aussi ces messieurs engrais sent-ils leurs femmes comme on en graisse... des oies. Je dis : « des oies », parce que je suis poli. Et voulez vous savoir quel est le pro cédé qu'emploie un chef touareg pour engraisser sa femme comme il faut ? C’est simple mais énergique. Pour engraisser, il faut boire; aussi les chefs riches font-ils boire à leur épouse douze à quatorze litres de lait par jour. On couche la dame sur des nattes, et des servantes noires lui versent le liquide dans la bouche. C'est la question de l'eau dont usaient les bourreaux d'autrefois, seule ment l’eau est remplacée par le lait. Celui qui a inventé l'expression : boire du lait pour indiquer une impression agréable, n’avait jamais été engraissé, je pense, à la manière touareg!...