Extrait du journal

Un grand voyageur par Jean VIGNAUD président de la Société des Gens de Lettres A L’HEURE où l’on parle d’une collaboration européen ne dans laquelle notre pays c'ait tenir sa place et Jouer sor rôle, on est en droit de s’étonner de l’Ignorance de tant de Français vis-à-vis des autres na tions; ils n’en connaissent ni la littérature, ni l'histoire, ni les conditions de vie, et, ce qui est pire, ils ne le re grettent point. Le Français, comme on l’a répété, est casanier par tradition et par goût; 11 ne veut pas voir plus loin que son champ et son Jardin. Il se contente des livres de voyages pour s’instruire. Or, il faut bien l'avouer, rares sont les voyageurs qui parviennent, dans leurs •éclts, à nous intéresser aux au tres peuples et à nous les faire aimer. Notre lgnoranct est en partie de leur faute. ... Un des meilleurs esprits de notre temps, professeur cé lèbre et grand voyageur M. André Bellessort. secrétaire perpétuel dé l’Académie française, a raison de dire dans son récent livre de souvenirs : le Collège et le Monde, qui est d une lecture captivante, que nous avons été, pendant longtemps, en France, victimes d’un romantisme politique autrement dangereux que le romantisme littéraire. CESI qu’il taut en rabattre de ce préjugé que les Français n’avaient qu’à paraître pour être fêtés, choyés partout où ils daignaient se montrer hors de chez eux. Ce sont là plaisanteries qui n'ont plus cours nulle part. M. André Bellessort, qui fut à travers le monde le bon pèlerin de l’esprit français, était parti, il y a quarante ans, avec la conviction que toutes les nations nous aimaient et qu'était vraie cette parole que « tout homme civilisé avait deux patries : la sienne et puis la France ». Notre voyageur devait, en route, recevoir d assez rudes démentis et, comme le pigeon de la fable, à son retour au logis, il a pour nous tiré la leçon de sa propre expérience. Laissons-lut la parole : «Je retirais de mes voyages l’idée qu’il fallait biffer tout ce que les romantiques et tout ce que nos politiciens nous racon tent de l'amour des étrangers pour la France. Les rap ports entre les peuples se fondent sur les intérêts, non sur des sympathies. Ce n'est pas : Nous aime-t-on ici ? que nous devons nous demander, mais : Nous respecte-t-on et nos intérêts sont-ils communs ? »...