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La Petite Gironde, 24 avril 1907

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La Petite Gironde
24 avril 1907


Extrait du journal

CONSTATATION S nqu publié, dans un communiqué officiel, quel ques-unes des constatations quelle avait faites. Les deux plus importantes ont été à l’unanimité ainsi définies : « i° Défaut de liaison entre les différents services de la marine ; 2° absence d'un organisme supé rieur, harmonisant ces divers services, dont les rivalités ont paru être à la commission une des causes profondes de la situation de notre marine. » Bien dit I Mais cela s’expri me d’un seul mot, moins parlementaire, il est vrai, que les formules pourtant précises de la commission : l’anarchie des services. Cependant, il y a une distinction à éta blir entre le régime théorique et le régime des faits. En principe, les constatations de la commission seraient contestées, réduites à l’état d’observations de détail, si elles étaient, par exemple, présentées sous forme d’interpellation. Le ministre, qui a si élo quemment défendu l’administration de la marine lors des récents débats, n’aurait pas de peine à énumérer les organismes : Con seil supérieur, comité technique, conféren ces des chefs de service des ports qui sont destinés à assurer la liaison des services. Quant à l’autorité supérieure harmonisant ces divers services, c’est la sienne et celle des préfets maritimes. Sur ce thème, on peut discuter, et commê discuter, cela re vient toujours à poser la question de con fiance sous une forme ou sous une autre ; comme, par ailleurs, la commission sénato riale n’a sans doute pas plus envie que nous de créer des embarras à M. Thomson, il ne faut pas s’exagérer la portée de ces consta tations. Elles ne sont d’ailleurs que de pi res évidences, et si on regarde la réalité des choses, il faut bien reconnaître quelles sont exprimées avec modération. Prenons un exemple. Un amiral veut fai re exécuter un travail nécessaire sur un de ses bâtiments, et le directeur des construc tions navales du port ne le veut pas. Ce cas se présente tous les jours. Le directeur en question objecte : « Pas possible, amiral. Mille regrets I » Si l’amiral a de l’usage, il se le tient pour dit. S’il n’en a pas, il écrit au ministre. La lettre arrive à Paris ; met tons même qu’elle parvienne au cabinet. Elle est aussitôt aiguillée sur la directiorf des constructions navales du ministère « pour examen et avis ». L’examen ne traîne fias ; quant à l’avis, c’est inévitablement ceui de l’ingénieur du port. La situation des crédits ou toute autre raison intervient à point pour rendre cet avis indiscutable, et c’est sous forme d’une lettre toute rédigée qu’il revient au cabinet du ministre, qui n’a plus qu’à la signer. Peut-il faire autrement ? Oui, mais à condition de reprendre toute l’affaire depuis son origine, de »e livrer à une enquête difficile, car on fera tout ce qu’on pourra pour le décourager ; il perdra sa journée, huit journées peut-être, et il a autre chose à faire. Il signe donc. L’amiral est penaud ; l’ingénieur, qui est pourtant nominalement sous ses ordres, triomphe dis crètement et se moque de lui dans l’intimi té. Il va de soi qu’on ne reprend pas deux fois les mêmes gens à ce jeu. Cela fait que les services s’en vont chacun de leur côté, cahin-caha, leur petit - bonhomme de che min, qui les mène... où nous en sommes. Mais où en sommes-nous ? La commission sénatoriale, en définissant « une des causes profondes de la situation de notre marine », ne dit pas que cette situation soit mauvaise, et comme, d’autre part, le Sénat et la Chambre ont approuvé les déclarations du ministre, d’où il ressort que cette situation est satisfaisante, on n’y comprend plus rien. Il faut supposer que la commission, en at taquant le principe d’organisation défendu par le ministre, veut faire œuvre de polémi que ; sur ce terrain, c’est à cela que sont limités ses pouvoirs. Si une réforme est né cessaire, c’est au gouvernement, et au gou vernement seul, qu'en appartient l’initia tive. Pourquoi la prendrait-il, puisqu’il se déclare satisfait de l’état de choses existant et qu’il a, par surcroît, maint témoignage de la confiance que lui porte le pays en ce qui concerne la marine ? Ce ne sera pas au vu des constatations des commissions d'en quête, car la responsabilité du. pouvoir se rait un vain mot si elle pouvait être ainsi déplacée et divisée. Alors, d’où procèdent et à quoi doivent aboutir de telles enquêtes? Je me pose la question aujourd’hui en toute sincérité, comme je la posais au lendemain du terrible accident de l’/éwa. En vérité, je ne comprends pas. et ne suis pas seul à ne pas comprendre. Notre situation maritime est étrange, mais l'étrangeté n’en est pas seulement dans une organisation intérieure qui déconcerte l’esprit : elle réside aussi et surtout dans la façon dont la question na vale se présente au point de vue national : on ne sait par quel-bout la prendre. Le dé faut de liaison entre les efforts qui sont ten tés pour restaurer l’organisation maritime est aussi frappant que le défaut de liaison entre les différents services de la marine. Cette constatation, à laquelle n’aura peutêtre pas songé la commission sénatoriale, dépasse en gravité toutes les autres. La désagrégation du commandement n’a été que l’aboutissement d’une série de me sures administratives dont chacune était conçue pour remédier à des inconvénients définis. L’intention était presque toujours excellente et la réforme limitée à une sphère réduite. Il serait bien curieux aujourd’hui de relire le plaidoyer serré que M. Combes faisait jadis devant le Sénat pour la créa tion du contrôle indépendant, et de compa rer les arguments si étudiés qu’il fournis sait alors avec les déplorables résultats qu’ont donnés depuis, dans la pratique, cet organe de confusion et cet agent de paraly sie qu’il ne s’agit plus aujourd’hui que de rendre inoffensif, en attendant qu’on puisse le supprimer. Il en serait de même pour les raisons sî vigoureuses, si justes qui ont ame né à l’autonomie des directions, pour celles Sui ont supprimé les anciennes attributions e l’état-major général. Le point de vue particulier a toujours masqué le point de vue général. De la sorte, on est arrivé à...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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