Extrait du journal

Après les piatîades et les pétarades de vos quinze derniers jours, un silence profond s’est fait soudain dans le camp orléaniste. C’est à peine si les feuilles du parti enregistrent le départ du jeune due d'Orléans pour Clairvaux. Presque pas de commentaires, du reste. Plus de ces cris de fureur, de ces invectives, de ces déclamations qui, la semaine der nière, remplissaient leurs colonnes. Il semble, suivant l’expression populaire, qu’un ange ait passé sur la tôle de ces fougueux royalistes si bruyants naguère. 11 a sufii que le gouvernement fit acte de décision et d’énergie pour fermer les bouches si promptes à s’ouvrir et pour mettre une digue aux flots d’encre et de bile qui menaçaient d’inonder le pays. Les petits avocats orléanistes ont remis au clou la robe qu’ils avaient endossée puur faire cortège au jeune prévenu de vant la huitième chambre ; les camelots gagés pour crier : « Vive le premier conscrit de France! * gargarisent dans les cabarets de la rue de La-Harpe leurs gosiers fatigués, et les fidèles journa listes, l'œil morne maintenant et la tête baissée, laissent reposer leur plume qui a fait trois semaines durant de si vaillante besogne. Il y a trois jours encore, les feuilles réactionnaires et boulangistcs enser raient triomphalement le gouvernement dans ce dilemme ; ou se rendre odieux en appliquant la peine prononcée par la huitième chambre, ou se rendre ridicule en ne l’appliquant pas. O11 le mettait au défi de prendre une décision. On raillait amèrement ou spirituellement ses hési tations, ses prétendues tergiversations. D’où vient donc que l’on se tait si com plètement aujourd’hui, après avoir si imprudemment bavardé hier t C’est qu'on se figurait que le gouvernement n’oserait pas, qu’il reculerait devant les clameurs soulevées sur sa route, c’est qu'on croyait pouvoir faire de la vantardise à bon marché et jeter de la poudre aux yeux des badauds sans qu’il 'en résultât pmcuug conséquence fâcheuse pour le jeune étourdi qu’on s’évertuait à transformer en héros de roman. La décision du gouvernement est venue jeter la potée d’eau nécessaire sur ce brillant feu de paille dont il ne reste plus maintenant qu'une poignée de cen dres boueuses et quelques fétus noircis. Tant qu’on s’imaginait qu’il n’y avait aucun danger, on s’en donnait à cœur joie. Les choses ayant tourné autre ment qu’on ne pensait, on fait grise mine et l’on garde un silence humilié. Le vieux dicton est toujours vrai : « Oignez vilain, il vous poindra, poignez vilain... * Cette sagesse subite des journaux orléanistes est un peu tardive. Si elle fût venue plus tôt. elle aurait certainement permis au gouvernement de prendre une mesure de clémence qui était d’abord dans le vœu de presque tous les répu blicains. Nous ne saurions trop le répé ter ; si le jeune duc d’Orléans est main tenant écroué à Clairvaux, ce sont ses partisans eux-mêmes qui l’y ont conduit comme par la main. En l’érigeant en prétendant, ils ont forcé le gouverne ment à le traiter comme un prétendant; ils lui ont rendu l’indulgence impossi ble. il n’y a plus à revenir sur la faute qu’ils ont commise, en dépit des avertis sements et des admonitions de tous les républicains sensés : cette faute a porté son fruit logique et inévitable. Peut-on...