Extrait du journal

pour époux et tu seras heureuse. « Moi, je trouvais que Gavaud avait un honnête visage et un digne cœur. Je l’aimais alors comme je l’aime aujourd’hui. Mes compagnes m’ont dit qû’on pouvait aimer davantage. Et depuis ce soir, je crois ce que m’ont dit mes compagnes. — Expliquez-vous, ma fille, interrompit ici le moine; celui qui lie et délie doit savoir au juste ce qu’il condamne et ce qu’il absout. Odolin retenait son souille, et comme les batte ments de son cœur l’empêchaient d’entendre, il pressa violemment sa poitrine à deux mains. Aloïse baissa la voix. — Je m’expliquerai si je le puis, mon père, ré pondit-elle; Dieu m’est témoin que je ne veux rien dissimuler devant son saint tribunal... Mais je ne vois pas-bien clair en moi-même. « Je crois que si j’eusse été la femme de ce jeune étranger qui est venu ce soir manger à notre table, je l’aurais aimé autrement que Gavaud, mon époux. » Je le crois; si c’est un péchc, que le Seigneur me pardonne! Plutôt que de trahir la foi jurée à mon mari, je préférerais mille fois mourir. Mais j’ai peur... » Aloïse hésita. — Peur de quoi? demanda encore le moine dont la voix se faisait plus sévère. Un trouble inconnu remplissait l’âme du jeune guerrier. L’image d’Aloisc était là devant ses yeux. Il s’étonnait de la voir tout à coup si belle. — J’ai peur... répéta Aloïse; oh! c’est un cruel malheur... mais laissez-moi poursuivre, mon père. « Je fus accordée avec Gavaud, qui me mit au doigt la bague d’alliance. J’en ressentis de la joie, car il était celui que j’aimais le mieux. Mais la veille du jour où je devais entrer dans sa couche, il ar riva un événement singulier, que les événéments' d’aujourd’hui rendent inexplicable et presque sur naturel....