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La Presse, 18 janvier 1840

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La Presse
18 janvier 1840


Extrait du journal

bilité amicale de leurs rapports avec la France, ce jour-là l'alliance anglaise ne devait pas sans doute être rompue, mais nous devenions tout à fait libres de l'évaluer à sa juste valeur et de ne la payer qu'en raison de son utilité restreinte. Le progrès de notre diplomatie souffrit un premier point d'arrêt, lors de l'avènement du 22 février. Ceci n'est point une récrimination personnelle contre M. Thiers, et je serais désolé qu'on me supposât une telle intention; mais il est notoire qu'à cette époque, ljéloignement dé ceux des ministres qu'on croyait encore conservateurs, lé ca ractère un peu hasardeux et prompt de M. Thiers, la satisfaction des nuances de l'opposition qui, sans être hostiles, se rapprochaient cepen dant de la gauche, firent juger à l'Europe continentale que le roi des Français n'avait pas encore pris un ascendant suffisant sur l'akleur ré volutionnaire des esprits, et que, d'un moment à l'autre, son gouvernement pouvait être entraîné hors de là ligne de modération et de sa gesse qu'il avait suivi jusqu'alors. Ilfaùtmêmè reconnaître, et je. ne mettrai dans cette déclaration aucune exagération^ aucune hostilité, il faut; même reconnaître queia conduite un peu vive de M. Thiers pen dant qu'il fut ministre dés affaires étrangères, motivait, jusqu'à un certain point cette appréhension des cabinets européens. Son ardente lutte pour forcer là France à intervenir en Espagne acheva d'aggraver la situation; et, certainement, s'il eût réussi dans ce fatal projet, la France aurait été tellement rivée dans l'alliance anglaise, que nous serions devenus en quelque sorte les vassaux de la Grande-Bretagne. Une chose inexplicable pour moi, c'est que M. Thiers n'ait pas com pris cela, lui qui a une puissance d'esprit si remarquable. L'occupa tion militaire de l'Algérie, l'intervention armée en Espagne, pas une seule alliance possible avec l'Europe continentale, voila quelle eût été notre situation!.... Quelle résistance quelconque aurions-nous pu opposer aux exigences de l'Angleterre, dans ses rapports avec nous? C'eût été nous mettre à sa discrétion. Le ministère du 6 septembre vint poser un terme à notre désorga nisation diplomatique. — Malheureusement, une partie de ce cabinet n'avait pas pour le président du conseil un dévoûment bien inaltéra ble, et rêvait pour un avenir assez prochain un autre président et un autre ministre des affaires étrangères. Le progrès fut donc assez lent sous ce,court ministère, que les tendances révolutionnaires, déplorablement favorisées par les paroles de M. Thiers sur la question espa gnole, menaçaient de renverser à toutes minutes. Ce n'est donc qu'à partir du 15 avril que la diplomatie française rentra complètement dans la voie du progrès; dàns cette voie où. sans s'inquiéter des principes politiques des gouvernemens chez eux, chacun d'entre eux dans ses rapports avec les autres états, leur laissant toute leur indépendance intérieure, ne s'occupe à régler diplomatiquement que leurs rapports extérieurs, en vue de la plus grande prospérité possible des sujets de chaque royaume. Ceci est un des plus grands services que M. le comte Molé pouvait rendre à la France, et il le lui a rendu.. Pendant les deux ans de son ministère, l'harmonie continentale se rétablit efficacement. Les états européens, voyant le ministère de la couronne fonctionner monarchiquement àu-dedans et àu-dehors, avec l'assentiment des chambres, voyant aussi que les attentats et les émeutes avaient disparu, en con cluaient naturellement que l'autorité morale de là royauté était conso lidée, que de nouvelles secousses révolutionnaires devenaient chaque jour moins probables; qu'ils pouvaient donc compter sur des rapports loyaux, constans, durables, avec la France, et que la grande famille européenne n'avait plus à craindre les convulsions intérieures qui l'a vaient jusqu'alors menacée. i Alors, comme on le sent bien, l'alliance anglaise commença à se plaindre, à jeter les hauts cris. Pour conserver la faveur britannique, il aurait fallu absolument que la France se brouillât avec le monde entier, et propageât en Europe des commotions politiques, qui, af faiblissant tous les états et la France plus que tout autre, auraient donné à l'Angleterre toute latitude d'envahir le commerce de l'uni vers et d'y verser seule ses produits industriels. Mais, en bonne con science, est-ce à ce prix que nous devions payer l'amitié de l'Angle terre ?...

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La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.

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