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La République française, 6 septembre 1898

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La République française
6 septembre 1898


Extrait du journal

Nous disions ici, il y a quelques jours : M. Cavaignac à fait le mal, c’est à lui maintenant de le ré parer. M. Cavaignac en a jugé autre ment; il donne sa démission, laissant le gouvernement dans le désarroi, son pays dans le gâchis, et se lavant les mains de tout ce qui va arriver après son départ. C’est, assurément, fort commode, et il n’est pas de ministre qui, dans une situation pareille, n’en ferait volon tiers autant. Mais les ministres ont des devoirs comme tout le monde et le premier de tous, c’est de rester à son poste dans les moments difficiles, à ses risques et périls, dût-on en souffrir dans sa réputation et son avenir. Ce devoir est plus étroit encore pour ceux qui ont créé une situation responsabilités redoutables ; ils n’ont pas le droit d’y échapper par la fuite en laissant aux autres la charge de liquider les crises qu’ils ont déchaî nées. M. Cavaignac a goûté les joies d’un triomphe sans précédent ; il a été ac clame par une Chambre en délire et ses paroles libératrices, comme il les a appelées lui-même, ont été placar dées dans tous les hameaux de France. Ce jour-là, il a pris devant la nation l’engagement de lui rendre la paix et la sécurité, de défendre l’hon neur de l’armée, de mettre un terme à l’agitation désordonnée des esprits, et, par une singulière ironie, le voilà qui s’en va laissant l’armée dans la tristesse la plus profonde et la nation dans un trouble moral inexprimable. Au lieu de fermer la porte à la ré vision du procès Dreyfus, comme il l’avait promis, il l’a ouverte tous les ours davantage avec une incon science prodigieuse, et, maintenant qu’il a ébranlé la confiance du public dans la solidité du jugement du conM f* ifsTM.te Mesâ tente, déclarant majestueusement qu’il ne fera jamais la révision et qu’il laisse ce soin aux autres. Il croit se justifier en disant que sa conviction personnelle n’est pas enta mée et qu’il croit plus que jamais à la culpabilité de Dreyfus. C’était bon dire il y a quelques mois, et c’était suffisant pour les consciences les plus scrupuleuses ; mais, après ce qui vient de so passer, l’aspect des choses a singulièrement changé, et M. Cavaignac est le seul qui ne paraisse pas se rendre compte de la gravité de la découverte qu’il se glorifie d’avoir faite. Sans doute, elle n’établit pas l’in nocence de Dreyfus et M. Cavaignac est autorisé plus que personne à dire qu’il y a dans le jugement lui-même et dans l’instruction qui l'a précédé, aussi bien que dans les documents qui ont été réunis depuis au minis tère de la guerre, des preuves d’une autre nature qui sont restées intactes et que rien jusqu’à présent n’est venu détruire. Mais la question n’est plus là, au jourd’hui. pour les gens impartiaux. Ils se gardent bien, et ils ont raison, de se prononcer contre la culpabilité de Dreyfus, mais ils sont troublés par les révélations de ces derniers jours, par la crainto de découvertes nouvel les et ils demandent impérieusement qu’on mette à l’avenir cette culpabilité à l’abri de toute discussion. Sans doute, cet état d’esprit ne rend pas la révision obligatoire pour le gouvernement et il ne peut 1 exa miner qu’autant quelle lui est de mandée dans les formes légales et avec les preuves à l’appui ; c’est ce que la femme du condamné vient enfin de comprendre en saisissant le garde des sceaux d’une demande de révision basée sur l'article 443 du Code d’instruction criminelle. On aboutit ainsi à la conclusion que nous avons toujours soutenue avec M. Méline et qui est la seule con forme a la loi. Le juge de la révision est saisi et c’est à lui maintenant qu’appartient la solution; il aura sous les yeux toutes les pièces, tous les documents de nature à éclairer sa religion et, quand il aura prononcé, tout le monde devra s’incliner. Depuis trop longtemps la parole est à la passion et à la colère ; au jourd’hui, elle appartient à la loi qui seule peut ramener la paix dans les cœurs et la tranquillité dans le pavs. Pierre Martial....

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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