Extrait du journal

mières. Ah î si la République n’avait point suscité des hommes, si elle n’avait point fait place aux jeunes, il y a long temps qu’elle n’existerait plus. Voilà qui n’est pas mal raisonné, même pour un jeune journaliste de l’opposition roya liste. Que la réaction se mette donc à la re cherche des hommes nouveaux, qu elle découvre une légion de jeunes pour com poser ses listes, pour se serrer avec en thousiasme autour de la bannière cléri cale et réactionnaire, en criant : Dieu le veut! Et alors lalutte commencera peutêtre à devenir intéressante. Cependant, sur ce point encore l'appel des journaux monarchie* es n’est pas exempt de quelque scepticisme. Pour avoir une légion d’hommes il faut d’a bord en avoir un qui suscite les autres. C’est ce que Gambetta, disent-ils, a su faire admirablement. En un mot, pour avoir des hommes, et des hommes jeu nes, il faut d’abord en avoir un, c’est là le point ; il faut un homme qui ait lui-même le prestige de la jeunesse, de la popularité, du patriotisme, de l’é loquence, tous les prestiges réunis. Quand on a cet homme-là on a bientôt les au tres. Tout ce raisonnement de notre confrère de l’opposition royaliste est assez bien tourné, vraiment. Mais cet homme, ce premier homme, l'évocateur et le guide des autres, où est-il pour nos adversaires ? Le journal en question avoue, non sans embarras, qu’il ne le distingue pas nettement. Pour lutter contre le scrutin de liste républicain, « rien ne saurait remplacer l’action du prince ». C'est à lui de donner le signal, de « mettre en mouvement les mécontentements publics, de les diriger et de les faire triompher ». En dehors de l’action du prince « les monarchistes ne peuvent que se faire un programme comme s’ils étaient un simple parti con stitutionnel », et ce programme, d'ail leurs, est vide. On parlera d’une monar chie démocratique, de l’égalité des ci toyens devant la loi, du suffrage univer sel, du drapeau tricolore; mais tous ces biens le pays les possède en substance et en réalité. Il a le drapeau, il a l’égalité, il a la démocratie sans roi, et il a ainsi la démonstration tan gible que toutes ces choses vont par faitement sans roi. Avec votre pro gramme vous êtes comme des troublefêtes qui se présenteraient au milieu d’un festin pour en prendre la présidence et qui n’apporteraient ni vin plus généreux ni mets plus succulents. C’est en ces ter mes, ou à peu près,que conclut l’écrivain royaliste, et il en revient à son prince, qui peut seul, par son action personnelle, faire équilibre au scrutin de liste. Or, le prince ne bouge pas, la série des déduc tions est épuisée, et il n’en est rien sorti de solide. Que le prince ne bouge absolument point, cela sans doute est moins sûr. La vérité est qu'il se remue tant qu’il peut et tant qu’il ose ; mais ce remue ment sourd et caché ne suffit pas à sou lever les masses. Il faudrait une de ces belles allures qu’on prend pour franchir le Rubicon. C’est là que la légion des jeunes attend son prince. Mais le gendarme de la démocratie l’y at tend aussi, et Pandore lui mettrait la main au collet. Donc, point d action personnelle, point de prince, point de jeunes, point de programme ; mais, jeu nes ou vieux, ils auront le scrutin de liste. Grand bien leur fasse !...