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La République française, 18 septembre 1873

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La République française
18 septembre 1873


Extrait du journal

Au moment où nous écrivons ces lignes, le dernier soldat allemand aura çuitté le sol de la France. Pour la première fois depuis trois ans, cette na lion tant éprouvée peut respirer libre ment, à pleins poumons, l’air de l’indé pendance. A cette heure d'une joie que nous partageons avec le pays tout entier, nous n’oublions pas que la famille est mutilée, notre pensée se tourne vers ceux qui manquent et auxquels nous restons attachés à jamais par des liens plus forts que tous les traités. Mais l’Alsace et la Lorraine ne seront pas, nous en sommes sûrs, les dernières à s’associer à la joie de la France; pour elles comme pour nous, c’est l’espérance qui s’affermit. Jamais chute ne fut plus éclatante que celle de la France, car jamais peuple n’é tait tombé de plus haut. Nous pouvons cependant, dépouillés aujourd’hui de tout vain orgueil, relever le front sans rougir. 11 nous est permis de regarder d’un œil fier, et ceux qui, après nous avoir vain cus, ont usé comme on sait de la victoire, et ceux qui ont si légèrement applaudi à nos défaites. Si la France revit, elle ne le doit qu’à elle-même ; ni la pitié, ni la reconnaissance, ni l’intérêt n’ont rien fait pour elle. Dès les premiers jours d’une guerre où elle avait été précipitée avec une imprévoyance criminelle, comme si on eût voulu l’offrir presque désarmée à la haine de l'étranger, elle fut vaincue. Elle devait périr ensevelie dans la honte, si elle n'eût chassé le gouvernement qui l’avait livrée et trouvé, dans le patriotis me de la nation, des ressources et une force de résistance où l’on a reconnu bien vite l'énergie d’une vitalité indestructible. Désorganisée par vingt ans de despotisme, réduite à un dénûment profond, obligée de lutter non-seulement contre un enne mi pourvu de tout et contre les rigueurs d’un hiver implacable, mais contre les menées d’une faction active à tqut paraly ser, elle a tenu pendant cinq mois l’Eu rope attentive ; elle a balancé plus d’une fois la fortune du vainqueur ; elle n’est tombée qu’après avoir, du moins, dompté la haine et confondu l’ironie. Lorsqu’il a fallu céder et laisser tomber ses armes, lorsqu’ont éclaté les tempêtes amassées par le désespoir, lorsque la fureur des ambitions royalistes, attisée par la défaite, s’est déchaînée parmi nos ruines, la France ne s'est pas abandonnée. Au lieu de se laisser troubler au bruit de ces in trigues, elle s’est remise à produire, âpre au travail et plus âpre encore à l’indé pendance. Sans hésitation, sans plainte, elle a versé ses épargnes et payé, à l’éton nement de l’Europe, une rançon dont le chiffre, presque insensé, avait été enflé tout exprès pour consommer l’œuvre de la force et achever d’accabler le pays. Maintenant que, sortie par ses seules ressources de l’abime où les crimes de l’empire l'avaient jetée, la France est redevenue, à force de volonté, maîtresse d'elle-même, nous ne savons pas si les vieilles rancunes sont désarmées; mais nous savons qu’elle est supérieure à l’in jure, et qu’elle a droit à la considération de tous. Une puissance si vivace est évi demment une puissance nécessaire. Parmi celles qui, devant ses désastres, sont res tées impassibles ou se sont montrées sa tisfaites, nous ne pensons pas qu’il y en ait beaucoup maintenant qui ne soient tentées de se féliciter de la voir encore pleine de vie et rentrée en possession de son territoire. Il ne faut pas un rare degré d’intelligence pour comprendre quel vide l'anéantissement politique de la France ferait dans le système de la civilisation européenne. Quiconque n’est pas dénué de toute prévoyance et incapable de dé gager la signification des événements, doit être bien près d’être convaincn qu’il n’y aurait rien d’assuré en Europe sans l’existence de la France, que même rien ne se peut sans son concours, et que les arrangements les plus ingénieusement conçus seraient précaires, les édifices qu’on élèverait auraient peu de chan ces de durée, si la place qui lui appar tient demeurait vide ou lui était long temps contestée. Certes, le sentiment de la délivrance qui remplit tous les cœurs n’efface pas dans nos esprits le souvenir des épreuves que nous avons subies. Si nous étions tentés d’oublier, cette date même, qui nous rappelle le jour où l’ennemi ache vait, il y a trois ans, d’investir Paris, nous arracherait à cette dangereuse satis faction. Loin de nous la pensée de flatter par des témoignages complaisants un amour-propre dont tout le monde doit être revenu, d’anticiper sur la justice que nous devra l’histoire, de nous bercer, à la...

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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