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La République française, 19 décembre 1871

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La République française
19 décembre 1871


Extrait du journal

au contraire, M. Périer a dû dire que M. le président de la République les considé rait toujours comme enchaînés. Et pour quoi une telle distinction? Pourquoi de telles arguties ? L’Assemblée, de plus en plus surprise, a senti tout de suite que M. Thiers, avec une incroyable faiblesse, voulait la laisser seule à seule avec les princes. Cette responsabilité d’une dé cision à prendre sur un sujet aussi dé licat, a paru lourde à la Chambre, et MM. d’Orléans n’ont pas eu à se féliciter de la disposition que le sentiment d’nne telle responsabilité a fait naître dans les esprits. En effet, le débat n’a pas tardé à se porter, comme on devait s’y attendre, sur la nature et les suites de l’engage ment pris par les princes. C’est là-dessus qu’on a discouru, disserté; c’est làdessus que l’on s’est divisé. Les lettres publiées par le Journal des Débats ne di saient rien sur ce point : toute la dis cussion de la Chambre devait rouler sur cette interprétation. De telles discussions ne profitent jamais à ceux qui les sou lèvent. On a vu les orateurs se suc céder à la tribune, et les versions les plus contradictoires être mises en avant. Ces contradictions, ces e>plications diverses, ces dits et contredits n’ont réussi à mettre en lumière que la finasserie, que les réticences, que les res trictions mentales, que l'ambiguïté, l’é quivoque, qui ont présidé à toute cette af faire, tant de la part des princes que de M. Thiers qui recevait leurs engage ments. Les princes ont donné une parole : ils ne devaient point paraître à la Chambre Cette abstention devait-elle s’appliquer à toute la durée de la législature ? C’est tan tôt oui, tantôt non, suivant les orateurs, rien de certain, rien de sûr. Ce qu’il y a de sûr c'est qu’ils disputent, c'est que leurs partisans disputent. Fâcheuse position pour eux tous, car en France, sur les questions de conscience et d’honneur, il ne peut y avoir deux interprétations sans qu’aussitôt le soupçon ne se glisse, et sans que la défiance ne soit éveillée. C’est ce qui s’est vu dans cette séan ce. Dans cette Assemblée où l'on au rait pu croire que MM. d’Orléans comp tent tant d’amis dévoués et prêts à tout, on a vu — chose qui est tout à l'honneur de notre caractère national — la cause des princes d’Orléans perdre du terrain au fur et à mesure que la discussion se prolongeait. L’Assem blée se sentait visiblement mal à l’aise dans cette atmosphère de paro les à double sens, avec sous-entendus et conventions tacites. C’est ce qui a été surtout visible dans les votes. L’ordre du jour pur et simple pro posé et soutenu par la gauche, a été écarté: rien détonnant à cela; la solution pouvait paraître trop radicale, c’était ce pendant la seule qui pùt caractériser vraiment le sentiment de l’Assemblée. Mais tout écarté que l’ordre du jour pur et simple a été par un vote, la faible ma jorité de 60 voix qui l’a repoussé a indi qué nettement le fond des opinions. La discussion s’est élevée ensuite sur deux ordres du jour motivés, dont l’un, rédigé par la droite légitimiste, était improbatif dans son esprit et son texte de la conduite des princes, dont l’autre, rédigé plus spécialement par les amis de MM. d'Orléans, était approbatif. La priorité en treras deux ordres du jour a fait question un instant : gauche et droite légitimiste se sont réunies dans un même sentiment de désapprobation, pour donner la prio rité à l’ordre du jour improbatif. Les amis des princes ont voulu alors battre en retraite, mais trop tard : ils étaient démasqués. Il était devenu évident pour tout le monde que l’Assemblée, mue par un juste sentiment d’hon neur et de loyauté, voulait dégager sa responsabilité dans toute cette affaire, qu’elle voulait ne point se mêler à toutes ces questions de pourparlers et d’engage ments pris à brève ou longue durée, qu’elle voulait une situation nette, un langage net, une attitude précise et dé terminée. La journée a donc été mauvaise pour MM. d’Orléans. La partie qu’ils ont voulu jouer, il viennent de la perdre devant l’Assemblée et devant le pays. Les lettres publiées dans le Journal des Débats peu vent maintenant aller à leur adresse. Les électeurs de MM. de Joinville et d’Aumale n’ont qu’à recourir aux débats de l’Assemblée : ils verront ce que sont leurs élus, quel fond il est permis défaire sur les engagements et les paroles de princes, et enfin comment l’Assemblée de Versailles, cette Assemblée où les mo narchistes abondent cependant, se divise dès qu’il s’agit de faire quoi qne ce soit...

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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