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La République française, 26 décembre 1920

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La République française
26 décembre 1920


Extrait du journal

Ceci n’est qu’un fait divers, mais com bien éloquent ! Un déserteur amnistié ren tre dans la ville qu’il habitait avant la guerre, il y rencontre une femme qu'il soupçonne, à tort ou à raison, de l’avoir dénoncé, alors qu’il se cachait pour ne pas aller se battre. N’écoutant que son cou rage, il s’élance bravement sur elle et la roue de coups ; puis, le lendemain, comme soucieuse de dissiper, sans doute, un malentendu, la malheureuse accompagnée de sa sœur et de sa mère se présente au domicile de l’amnistié, celui-ci prend un revolver et froidement tue deux des femmes. Je pense bien que si on le rattrape on lui coupera le cou ; mais je pense aussi que ce drame n’eût pas été joué si l’acteur principal, qui en est aussi l’auteur, avait été laissé où il était allé se réfugier par lâcheté, pour ne pas risquer de se faire tuer lui-même. On a dit et répété qu’il fallait exclure le sentiment de la politique ; on pourrait ajouter qu’en matière d’amnistie également le sentiment n’a rien à voir. Honorer les héros qui sont morts pour la défense du j pays, c'est un pieux devoir que la France a — suivant sa coutume, — élargi jusqu'à y introduire quelque peu d’exagération ; mais ne pas punir les lâches qui fuyaient le champ de bataille quand s’y jouaient les destinées de la Patrie, leur permettre de revenir jouir des douceurs de la paix re conquise sur un sol qu’ils ont refusé de défendre, tolérer qu’ils y reprennent leur vie d’autrefois et jouissent des mêmes droits que les autres citoyens, vous avoue rez que c’est pousser trop loin la man suétude. Et puis enfin, la nation qui avait jugé bon de les accueillir aurait dû être condamnée à les garder. Quelques sociologues, pour réunions de '. ieilles dames charitables et oisives, vont répétant que la multiplication des crimes à laquelle nous assistons a pour cause la guerre pendant laquelle, disent-ils, l'ho micide a été le devoir journalier de mil lions d’individus. 11 y a dans cette affir mation plus de sophisme que de vérité. On tue, en effet, à la guerre par devoir. Parfois, à ce sentiment du devoir se mêle le désir de venger des camarades que l’on a vu soit tomber à ses côtés, soit être as sassinés lâchement par un ennemi sans humanité, comme cela s’est produit trop fréquemment au cours de la dernière in vasion germanique. Mais, hors du cas de légitime défense en générai, donner la mort répugne au tempérament français et c'est ce qui explique, d’ailleurs, que les Boches qui s'en seraient servis, n'aient pas eu à enregistrer, comme nous-mêmes, le meurtre fréquent de prisonniers désarmes. Or. l’homme qui a fait son devoir en tuant des ennemis pendant les hostilités, a eu, même si son intelligence ne dépasse pas la moyenne, l’obscur instinct d'une situation anormale l’ayant jeté hors des conditions ordinaires de son existence. M. Eugène Sue ne fut pas un profond psychologue que je sache; il a cependant, dans ses Mystères de Paris, campé un type qui réalise assez bien l’idée que l’on se doit faire de la mentalité du plus obscur combattant. Le chourineur, qui est à pro prement parler une demi-brute, a tué plu sieurs hommes en un jour de coléreuse ivresse ; avant que de commetre ce crime il était boucher de son état et, désormais, il ne pourra plus exercer cette profession, l’animal qu’il sacrifie lui rappelant l’ago nie des camarades dont il a été le meur trier. Vous me direz que l’homicide par devoir n’a pas à éprouver le remords de ses actes, c’est entendu ; mais je persiste à croire que ce devoir accompli doit ce pendant, chez un individu ordinaire, amener tout au moins l’horreur de la guerre et la détestation du crime qui n u pas pour raison un idéal supérieur comme celui qui constitue la défense de la patrie. Et puis enfin, voilà cet amnistié, ce déserteur, ce lâche qui devient meurtrier de femmes après avoir refusé de combattre contre des hommes — si peu, je le concède, que le soient les Boches. Ce n'est pas à la guerre qu’il a pris le goût, l'habitude tout au moins du meurtre : il n'a pas voulu y aller ! H y a donc prédisposition indé niable au crime chez les assassins de plus en plus nombreux et qui ont été à la <>uerre. Aussi, cela étant un fait patent et dé montré, on aurait pu au moins, puisque nous avions assez de criminels pour les quels des avocats d’assises, à bout d’argu ments, invoquent le devoir accompli pen dant quatre années, nous garder des ban dits qui n’ont pas cette faible excuse et les laisser hors des frontières où ils étaient allés cacher la ho de qu’aucune amnistie légale n’efface et q.:i s’attache au nom des lâches qui ont pris la fuite quand on bat tait leur Mère ! Ch. Le Gendre....

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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