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L’Aube, 10 octobre 1944

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L’Aube
10 octobre 1944


Extrait du journal

Ils nous entendent ils nous regardent... par Maurice SCHUMANN directeur politique du Radie-Journal de France. Sou.s sommes heureux de publier de larges extraits de l’allo cution prononcée hier soir au micro par notre ami Maurice Sahumann, le porte-parole de la France combattante. Qui vient de prendre la direction politique du Radio-Journal de France. U’EST-CE qu’un homme, ou une femme, de la vraie Résistance ? Qu’est-ce qu’un homme du Dix-Huit Juin 40, un vrai ? C'est essentiellement un être « mieux fait — comme l’a dit l’un d’eux — pour les grandes aventures que pour les petits ennuis ». 11 est donc non seulement naturel, mais inévitable que, lorsque commencent les petits ennuis, cet être se sente EN EXIL de la grande aventure, et, quelque peu gâté par son humeur d’exilé, perde de cette « pureté farouche » qui faisait sa raison de vivre ou de mourir. Le remède ? Il est simple, d’autant plus simple que, pour une fois, le mal est illusoire. Il consiste à rappeler sans cesse à soi-même que, si nous sommes plongés dans les « petits ennuis », nous ne sommes pas, pour autant, sortis de e dise : « Attention ! N’oublle pas que, chez nous, parmi nous, nos libérateurs, qui sont aussi nos hôtes, t’entendent et te re gardent ! » Et puis, nos prisonniers militaires et civils, nos déportés, ceux-là et celles-là surtout qu’on appelle « les déportés politi ques », et qui ne sont en vérité que l'avant-garde des soldatvolontaires capturés au combat ? Ils se disaient : « C’est pour aujourd'hui ! » llélas ! C’était encore... pour demain. Que valent nos mécompte* en regard de leurs souffrances ? Nos déceptions à côté de leur déception ? L’étranger — je veux dire : le monde libre — est là, lui aussi, qui attend trop de nous, qui espère trop de nous, pour ne pas nous guetter avec une vigilance inquiète. Avant chaque mot écrit, chaque parole prononcée, ou chaque plainte exhalée. Imaginons, je vous en conjure, les millions d’hommes liguédans une coalition dont notre France est l’âme. Et, puisqu’aussi bien l'essence du patriotisme n’est pas seulement d'aimer s«v patrie mais encore de la faire aimer, songeons que ces rail lions d'hommes libres nous entendent et nous regardent. Et, s’il n'est pas assez do tous ces juges muets ou discrets, mais qui ne le seront pas toujours, eh bien ! n’avons-nous pas nos morts pour nous élever au-dessus de nous-mêmes ? « Puis que les morts ne peuvent plus se plaindre, de qui, de quoi se plaignent les vivants ? », demandait naguère la voix anonyme d'un poète clandestin, surgie du cœur même de la bataille. Otte Interrogation, il m'a semblé l’entendre retentir au fond des fosses sanglantes de Châteaubriant ou d’Ivry, comme des ossuaires de Douaumont. Puisse chacun de nous mériter de dire qu'elle retentit au fond de lui-même ! Alors, notre jour sera sans tache, comme notre nuit, était sans ombre......

À propos

L’Aube est fondée en 1932 par Francisque Gay et Gaston Tessier. Ce journal d’opinion, d’obédience catholique et de gauche, a d’abord beaucoup de mal à rallier les catholiques démocrates du pays à cause de son positionnement pas vraiment clair entre socialisme et Église. Il arrive néanmoins à fidéliser un lectorat restreint. Pacifiste et favorable à la politique de Locarno, L’Aube fut souvent violemment attaquée par la droite catholique ainsi que par l’extrême droite, notamment L’Action française.

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