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L’Aube, 17 octobre 1944

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L’Aube
17 octobre 1944


Extrait du journal

L’UNITÉ FRANÇAISE par André COLIN 'EST de J'union des Français que dépend l'avenir du pays. Aussi ne peut-on s'étonner de ce que ce soit actuellement la préoccupation essentielle de chacûn de ceux qui pensent que la France ne peut m refaire son unité », ne peut renaître que de son propre eifort. Mais encore faut-il s'entendre sur le sens et la portée de cette unité; encore faut-il savoir ce quelle suppose et quelles sont ses exigences. Parler d'unité est simple : alors on en abuse et cela de vient le thème facile d'homélies sentimentales. Le mot se vide de son sens. On finit par n'y plus croire, et l'on risque de retomber dans les voies méprisables des artifices de pro pagande qui ne font illusion à personne, qui suppriment l'effort en tentant de montrer que le résultat est obtenu avant même que l'on se soit mis au travail. Or il faut, Svanf tout, remettre en honneur la vertu française essentielle de sincé rité ou de loyauté. L'unité d'une nation c'est une conquête, l'unité d'une nation c'est la claire vision par tous d'un objectif commun à atteindre, l'unité d'une nation c'est l'effort de chaque citoyen, de chaque classe sociale, de chaque famille spirituelle pour créer les conditions à la fois matérielles et morales qui per mettent à chacun, dans le respect de sa vocation, de ses ten dances, de ses fonctions propres de se sentir lié aux autres dans une parfaite communauté de destin. C'est dire que l'unité n’existe pas du seul fait qu'on en parle; c'est dire aussi qu'elle ne se décrète pas, quelle ne s'impose pas de l'extérieur comme ont pu tenter de le taire les régimes totalitaires pour qui la liberté et le respect de la personne étant totalement ignorés, l'unité ne peut être que le nivellement. C'est dire aussi que l'immense souhait d'unité qui s'exprime à travers le pays ne sera satisfait que par l’effort de chaque citoyen pour atteindre l’objectif commun que définissait samedi le général de Gaulle : « battre l'en nemi, nous imposer à l'étranger, nous reconstruire et nous rénover. » Cet effort s'impose encore plus, si l'on considère que construire l'unité réelle d'un pays comme le nôtre c'est une œuvre à la fois de révolution et de paix, ou mieux de révolution pour la paix. La paix, qui est la tranquillité dans l'ordre par la justice assurée et s'épanouissant dans l'amitié. L'objectif est facile à percevoir. 11 est celui même que ne cessaient d'avoir sous les yeux les militants qui, depuis quatre ans, ont lutté contre l'envahisseur : résistance contre l'ennemi, combat pour la liberté, liberté du territoire mais aussi liberté spirituelle, liberté qui est la condition première du travail pour l'unité. C'est ce même esprit, cette même tension vers l'unité qu'il faut sauver: l'unité de la France qui s'enrichit de la diversité des génies, des imaginations, des spiritualités, l'unité qui n'est pas l'uniformité, mais l'harmonieuse orches tration de divers interprètes d'une même symphonie. Cet esprit de la Résistance, qui sut associer toutes les tendances et les conduire dans les voies de l'unité, doit être maintenant un esprit de justice, c'est-à-dire de rigueur pour tous ceux qui ont trahi ou qui tentent actuellement de sabo ter l'œuvre de libération totale de la France, mais aussi un esprit accueillant pour tous ceux qui, s'ils furent abusivement trompés, se manifestèrent, en permanence, par leurs activités ou leurs attitudes comme Je loyaux Français et désirent se joindre à ceux qui militent pour Je triomphe de l'unité. Cet esprit qui est essentiellement d'attachement à la liberté sera alors conquérant : il ne doit pas tendre à s'impo ser à la nation mais à la conquérir, à la gagner. C'est la beauté d'un régime de liberté que de permettre cette con quête des esprits et des cœurs, que de reposer même sur cette libre conquête. C’est aussi sa grandeur que de faire confiance au peuple et de ne pas douter à priori de lui. Faire confiance au peuple, soutenir la valeur conqué rante de l'esprit de la Résistance qui a su associer les diver sités d'énergies, de talents ou de vocations au service de la France en guerre, c'est la voie d'honneur qui s'ouvre à tous ceux qui entendent entraîner la masse des Français dans l'œuvre de construction de l'unité française. C'est une œuvre de conquête, c'est une œuvre qui exige que soit maintenu, au-dessus de toutes les diversités, un esprit commun qui saura trouver à se réaliser concrètement dans les diverses manifestations de la vie politique. £ H serait grave, en effet, que ceux qui ont perdu le sens < de l’effort et désirent déjà se reposer alors que tout est à l laite, puissent par leur poids mort entraîner la masse des S énergies disponibles■ Mais cela est impossible, car il faut ( croire a la valeur conquérante de l'esprit de la Résistance ( et ce serait aller contre le but recherché que de tenter de > vouloir imposer au pays un esprit d'unité auquel il demande ^ simplement à être gagné....

À propos

L’Aube est fondée en 1932 par Francisque Gay et Gaston Tessier. Ce journal d’opinion, d’obédience catholique et de gauche, a d’abord beaucoup de mal à rallier les catholiques démocrates du pays à cause de son positionnement pas vraiment clair entre socialisme et Église. Il arrive néanmoins à fidéliser un lectorat restreint. Pacifiste et favorable à la politique de Locarno, L’Aube fut souvent violemment attaquée par la droite catholique ainsi que par l’extrême droite, notamment L’Action française.

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