Extrait du journal

AURONS-NOUS aujourd'hui un gouvernement ou, pour mieux dire, le gouvernement de Gaulle que le pays attend ? Tout porte à le croire et, sauf incidents imprévus et im probables de dernière heure, la crise ouverte le 13 novembre et aggravée le 16, au point de paraître insoluble, sera enfin dénouée ce matin. On en était resté, lundi soir, après le double vote de la Constituante, sur l’invitation adressée par le général aux | « trois grands » de venir conférer avec lui le lendemain — hier matin donc — à 11 h. 30. La réponse communiste — ainsi que, bien entendu, celles du M.R.P. et du parti socialiste —fut favorable, et l’on vit dans cette reprise effective des négociations un indice heureux, le premier de la journée et qui ne devait pas être le seul. A 15 heures, M. Maurice Thorez, seul, cette fois, fit au général une deuxième visite qui se prolongea près de deux heu res. A 19 h. 30, nouvelle venue rue Saint-Dominique de MM. Thorez et Duclos, qui en repartirent vingt minutes plus tard. Or il en est d’une crise ministérielle comme d’une négociation diplo matique. Dans la mesure où les contacts ne sont pas rompus, mais au ] contraire s'amplifient et se multiplient, c’est que lia solution est en l vue. Entre temps, compte rendu avait été fait au groupe communiste de ces pourparlers. Et l’on put penser, qu'en se rendant en fin d’après-midi I auprès du général, MM. Thorez et Duclos, forts cette fois de l’approba- ; tion de leurs amis, lui apportaient une réponse définitive. Les difficultés ayant surgi vendredi entre de Gaulle et les communistes étant à l'origine des plus récents événements, c'est sur cet aspect | du problème que se concentra, hier, l'attention des milieux politiques et c'est par lui que nous avons commencé ce compte rendu de la journée. La « partie » ne doit pourtant pas nous faire oublier le « tout ». Ces ultimes négociations de de Gaulle paraissent, d'après les indications recueillies dans les couloirs, avoir comporté deux phases : hier matin, exposé d'ensemble du général qui embrassa J la période tragique des cinq dernières années. Jamais ! encore, affirme-t-on. de Gaulle n'avait atteint à cette j maîtrise, à ce pathétique, à cette largeur de vues Et puis rappel sur un ton de cordiale familiarité, des i fautes commises par tous les partis, communistes j compris. Les personnalités ayant assisté à la réunion | la considèrent, du fait de cette intervention boule versante, comme un des événements marquants de leur vie. Dans l’après-midi, les entretiens semblent avoir porté sur la répartition et l'attribution nominale des portefeuilles. La tâche de de Gaulle n'avait pu être que facilitée par la déclaration préliminaire des délégués M.R.P. et socialistes affirmant de nouveau leur complet désintéressement et leur intention de ne revendiquer ou même de n'accepter rien de plus que leur juste part. Gouvernement « essentiellement » tripartite, avait dit la Constituante dans la motion votée lundi. De Gaulle serait, de fait, assisté par trois ministres d'Etat ayant peut-être rang de vice-présidents du Conseil et représentant auprès de lui chacun des partis essentiels de la majorité. 21 octobre-21 novembre : il aura fallu exactement un mois pour assurer la mise en train des nouvelles institutions. Le moment est maintenant venu — il n’a que trop tardé — de se mettre à l'ouvrage pour don ner au pays la Constitution et les réformes qu’il attend. Jean BENEDETTI....