Extrait du journal

sous prétexte d’avoir à consulter les syndicats de presse. A noter que toute cette stratégie vise un projet dont on ignore encore le contenu exact. Mais on en connaît à peu près les grandes lignes et cela suffit pour lui valoir des adversaires qui s’identifient pour la plupart avec les adversaires du gouvernement. Nous avons demandé à l’un d’eux, qui faisait état des protestations de nombreux journaux de sa région, quelles étaient ses raisons. — Les partisans de la liberté de la presse, nous a-t-il répondu, se sont toujours élevés contre le renvoi des délits en correctionnelle où la partia lité des juges désireux de plaire au gouvernement dont dépend leur avan cement est toujours à redouter. Après avoir rendu ce singulier hom mage à la magistrature, notre inter locuteur a ajouté : — Et en correctionnelle, comme vous savez, la preuve n’est pas admise. — Mais on dit au contraire que d’après le projet du gouvernement la preuve des allégations faisant l’objet de la plainte serait non seulement admise mais exigée, et dans un délai très bref. — C’est pire encore, a gémi notre interlocuteur : comment peut-on exiger des gens qu’ils aient la preuve de ce qu’ils écrivent ? Ce dialogue, que nous certifions rigou reusement exact, nous a abasourdi. La dernière réponse n’était ni cynique, ni ironique : elle était sincère et c’est cela qui est effrayant, cette mentalité qui tient la diffamation, même sans preuves, pour une méthode licite de polémique, même au risque d’entraîner mort d’homme. On peut en tout cas s’attendre au milieu de la semaine à des débats pas sionnés où s’échangeront de droite à gauche des rappels véhéments des cam pagnes les moins nobles. P.-L. F....