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L’Aube, 29 décembre 1944

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L’Aube
29 décembre 1944


Extrait du journal

IL faisait très froid, il se faisait très tard, lorsqu’une panne de voiture nous obligea, Mgr Chevrot et moimême, à tirer la sonnette de la mairie de Maubeuge pour demander secours. Pourtant, la délégation muni cipale siégeait encore et s’apprêtait à travailler fort avant dans la nuit. Quel était donc l’objet de scs délibérations ? Un nouvel incident, comme ceux qui troublèrent récem ment cette cité fervente et déchiquetée ? Une revendica tion brûlante, qu’il importait de satisfaire d’urgence sous peine de graves désordres ? En aucune manière. Si les tra vailleurs qui dirigent Maubeuge parce qu’ils ont risqué leur vie pour la libérer, et qui représentent toutes les familles politiques et spirituelles de la cité, prolongeaient leur veille et accroissaient leurs fatigues, c’était pour discuter un plan d’assainissement moral. C’était pour guérir leur ville du fléau de la prostitution, et pour libérer leur conscience de chefs du crime de la prostitution réglementée. Nous ne sommes pas près d’oublier, Mgr Chevrot et mot-même, le sentiment d’allégresse qu’éveilla au plus profond de nous-mêmes cette irruption soudaine dans le royaume purifié que nous avions rêvé. Ces chefs, pauvres, neufs et fiers, recrutés par la sélection du mérite et de la vaillance, et qui, non contents de s’unir, se réconciliaient sur les sommets, c’était, en vérité, comme une seconde libé ration. La soirée de Maubeuge me revint hier en mémoire, quand je connus le lancement et la charte de l’UNION PATRIOTIQUE DES ORGANISATIONS DE JEUNESSE à laquelle l’ASSOCIATION CATHOLIQUE DE LA JEUNESSE FRANÇAISE apporte son entier concours, sans équivoque et sans exclusive. Sans doute cette frater nité — je veux dire : cette sagesse enthousiaste — a-t-elle la guerre pour ciment et la victoire pour premier objet. Mais la guerre à l’ennemi et la victoire sur l’ennemi sont des buts, et non pas des fins. Elles ne sont que le préam bule et la condition de la guerre aux fléaux sociaux et de la victoire sur les fléaux sociaux. Purifiée par la Résistance, l’élite de la jeunesse peut et doit demeurer au coude à coude pour faire prévaloir la salubrité des corps sur le taudis et l’alcoolisme, la salubrité des âmes sur l’immora lité publique qui corrompt la vie familiale et dépeuple le pays. En vérité, l’exemple des jeunes illustre et complète à nos yeux l’exemple de Maubeuge. L’un et l’autre sont des témoignages d’unanimité sur les cimes, c’est-à-dire des réponses à l’appel de nos morts. L'un et l’autre veulent dire : « Proposez aux Français de grandes choses à faire ensemble. Et, plus jamais, ils ne se déchireront autour de plus petites. »...

À propos

L’Aube est fondée en 1932 par Francisque Gay et Gaston Tessier. Ce journal d’opinion, d’obédience catholique et de gauche, a d’abord beaucoup de mal à rallier les catholiques démocrates du pays à cause de son positionnement pas vraiment clair entre socialisme et Église. Il arrive néanmoins à fidéliser un lectorat restreint. Pacifiste et favorable à la politique de Locarno, L’Aube fut souvent violemment attaquée par la droite catholique ainsi que par l’extrême droite, notamment L’Action française.

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