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L’Avenir de la Mayenne, 29 mars 1914

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L’Avenir de la Mayenne
29 mars 1914


Extrait du journal

Les crimes ont toujours desservi les cau ses politiques pour lesquelles ils ont été commis. Ils inspirent 1 horreur et provo quent la révolte de la conscience publique. Ce sont les réflexions qui viennent tout naturellement à 1 esprit après qu’on a lu le compte rendu des tragiques événements qui se sont déroulés à Paris durant ces derniers jours. Le directeur d un des journaux les plus importants de France, et dont la renommée est mondiale, un journaliste dont le grand talent égalait la probité professionnelle qui ne lut jamais ellleurée par le moindre soupçon, un homme dont les habitudes de courtoisie et de modération relevaient les articles toujours marqués au coin du bon sens et de la raison, cet homme a été froi dement assassiné dans son bureau, où il avait, obéissant à un sentiment de galan terie bien française, consenti à recevoir la femme d'un ministre, dont il passait au crible les actes politiques avec une impi toyable rigueur. 11 pensait servir ainsi son pays. Il ne lit jamais la moindre incursion dans la vie privée du ministre. Il attaqua seulement l’homme public, investi de fonctions poli tiques. 11 montra ses diverses attitudes successivement contradictoires. 11 flagella le maître palinodiste qui se carrait dans ses apostasies, et offrait le spectacle d un poli ticien à qui tous les moyens sont bons pour s'emparer du pouvoir, pour s'y agripper à Fell'et d'y assouvir sa malsaine ambition, ou d'accomplir des actes de Vengeance et de haine personnelle vis-à-vis des partis qui ne voulurent pas le suivre dans ses iantastiques évolutions, dans ses volte-faces stupéfiantes parce qu ils ont conservé le sentiment de la dignité et de l'honneur poli tique. Les actes politiques de M. Caillaux étaient justiciables du Parlement, de 1 opi nion publique, de la presse. C était le droit de chacun de les approuver ou de les cri tiquer... 11 appartenait à M. Caillaux de se défendre contre des accusations dont il aurait pu. si elles n’étaient pas fondées, démontrer la fausseté. 11 avait pour cela la tribune du Parlement, des journaux à sa dévotion, pour ne pas dire à sa solde. Il lui était loisible de recourir aux tribunaux, de faire, dans de retentissants débats publics, rayonner son innocence et de confondre ses calomniateurs. 11 a préféré ne rien dire, lie pas agir, et pour cause. Tout procès public eût tourné à sa confusion, son adversaire étant en possession de documents qui eussent fait éclater au grand jour la culpabilité du ministre qui avait eu l'inqualifiable pré tention de vouloir excommunier et chasser de la République des hommes de convic tion dont l existence entière fut consacrée à la défense du régime républicain. M. Caillaux était « revenu » du Congo plus triomphant et plus arrogant que jamais. Quant on sort sain et sauf d’une pareille aventure, on croit pouvoir tout braver et tout se permettre sans courir aucun risque. Comme M. Caillaux était un de ces morts récalcitrants qu'il faut tuer, politiquement parlant, M. Calmette se chargea de cette pénible opération. C’est pour avoir commencé à l’accomplir qu’il a été assassiné — il n’y a pas d’autre mot à employer en l'espèce — par la femme de M. Caillaux. Celle-ci s’est transformée en justicière. Elle prémédite longuement son attentat, rumine le coup dont elle est résolue à frap per le directeur du Figaro. Elle a, en un mot. perpétré son assassinat froidement, implacablement, comme une femme qui, ayant tout prévu, ne pouvait manquer celui qu elle a si bien abattu, simple histoire, a-telle dit avec une touchante ingénuité, de lui donner une leçon : une leçon en cinq coups de revolver. Et Mme Joseph Caillaux, que l'on va nous représenter comme ayant agi inconsciem ment, dans un accès d'amour conjugal poussé au paroxysme, a trouvé ce mot, quand, s’adressant à ceux qui la tenaient aux poignets à l’ellet de mettre fin à ses exercices de tir, elle a dit : « Laisscz-moi ! Je suis une dame ! » Plus qu’une dame, au dire de M. Thalamus, une héroïne. L’homme qui avait bavé sur Jeanne d" Arc, dont le nom incarne le patriotisme dans ce qu’il a de plus pur et de plus élevé, a tressé une couronne de laurier pour en ceindre le front auréolé de gloire de celle qui venait de tuer un homme. En quel temps vivons-nous ? Les notions le plus élémentaires de la morale banale qui court la rue sont-elles donc obscurcies, dans certaines cervelles brûlées, aju point qu on ose proclamer beaux et dignes d’admiration des actes qui provoquent l’horreur univer selle ? Des politiciens n’ont donc plus le sens de ce qui est bien? Ils jettent les plus outra geants défis à la conscience publique. On assassine pour des raisons politiques ! \ ive l’assassin !... Nous en sommes là, et nous nous enlisons chaque jour davantage dans cette boue que Ion a remuée tout der nièrement à la Chambre et qui a dégagé une odeur de pestilence. Et voilà la République ! s’écrient ses ennemis. Allons donc ! Aon, non, ce n’est pas la République.Son image rayonne bien au-dessus dv toute cette fange. Elle ne peut être atteinte par lu bouc dont se sont cou verts quelques hommes qui se réclament d’elle.Elle n'esl «la chose » d’aucun groupe....

À propos

Fondé en 1878, L’Avenir de la Mayenne est un quotidien régional publié à Laval, puis à Rennes. Il change de nom en 1932 pour devenir Le Républicain de la Mayenne avant de disparaître en 1942.

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