Extrait du journal

Le grand Corneille, le héros de Rouen, le fils adoptif de la capitale normande est, dit-on, réclamé par sa vraie mère. On ajoute même qu’une statue envieuse, un monument vengeur va se dresser sur la place des Andelys et faire un pied de nez à la mère apocryphe du plus grand ne nos tragiques. Orsachez-le, Rouen ne frémit pas sans raison. Le bruit est fondé : j'ai vu la statue! Et dussé-je ex citer une révolution dans la cité nourricière de Cor neille, je vous décrirai le monument. M. Brian a représenté Corneille assis sur un ta bouret auquel je voudrais voir un dossier , je l’a voue , car la jambe droite ramenée à dessein sous le corps trop renversé, ne suffira pas à rétablir l’équi libre, et Corneille tombera sur le dos. La main droite de l’homme de plume tient tout naturellement... non pas une plume... un outil in connu, un juste-milieu entre le crayon et l’ébauchoir. A l’aide de cet outil, Corneille se dispose à ne pas écrire. En effet la main s’appuie par un mouvement étri qué sur des tablettes (un mythe que nous aimerions à nommer portefeuille), mais ces tablettes sont fer mées. La draperie (un autre mythe que nous voudrions pouvoir appeler manteau) jure avec la chemise et le haut-de-chausses, vêfemens d’une brutale réalité. Il faut abandonner à l’Académie des fictions qu deviennent de plus en plus fades et surannées. Le glaive des guerriers et les oripeaux de même farine sont bons à reléguer dans les greniers du temple de Mémoire : tout cet art et ceux qui le cultivent ont fini leur temps. La tête du tragique, si vous la voyez de profil à droite, annonce un jeune homme de vingt ans ; — si vous la regardez de face, en dit bien quarante. C’est une faute énorme d’ensemble et de physio nomie. De plus, cette face rappelle presque autant le Poussin que Corneille. Jumeaux par le génie, sans doute, Arcades ambo, comme dit le poète, fraternels dans leur vie, dans leur pensée et dans leur procédé, ces deux pauvres, sublimes et sobres artistes n’avaient pourtant pas les mêmes traits. Le Poussin avec sa rude chevelure, son front ru gueux, triste et hardi, son œil ouvert, sa narine ron de, sa bouche fermée, semble un lion fort et debout pour la lutte. Voyez plutôt au Louvre son portrait peint par lui-même....