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Le Charivari, 15 août 1845

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Le Charivari
15 août 1845


Extrait du journal

être écouté de tous ! C’est une bataille qu’il livre, bataille importante où les destinées d’une nation et (Su monde sont parfois en jeu. Pourquoi donc s ar range-t-on de telle manière que l’homme d Etat n a )lus à l’heure suprême qu’une langue épaissie pour interprète d’un cerveau troublé par les fumées de la digestion ? Car ce n’est pas même au commencement du re>as que la profession de foi ou la manifestation se jromulgue ; c’est quand le repas finit. Le dessert venu, on donne des tartines de confiture aux petits enfans et des tartines d’éloquence aux grands enfans. Et notez bien que je ne viens nullement taxer d’in tempérance les hommes d’État, qui d’ordinaire ne pèchent point par ce défaut. Mais dans ces grands festins l’homme le plus sobre, ne goûtât-il qu’à peu de mets, ne touchât-il qu’à peu -de vins, est exposé à avoir l’estomac surchargé par la variété même de ces vins et de ces mets. La chaleur, les émanations, l’exaltation personnelle, tout concourt à agiter le cœur, à échauffer le cerveau, et nul, fût-ce saint Antoine lui-même, ne remporte,après un banquet de quatre heures, la lucidité d’esprit 'et le sang-froid qu’il y avait apportés. C’est ce qui explique les incroyables choses qui se débitent ordinairement dans les banquets officiels, choses qui nous ahurissent, nous qui les lisons sur une table dépourvue de plats et de verres. Jamais toutefois cet inconvénient ne s’était fait plus vivement sentir que dans le banquet offert à M. Guizot par les électeurs de Saint-Pierre-sur-Yves. Dans cette ripaille à sept francs par tête on doit avoir mangé et bu pour plus de quinze francs. Est-ce qu’avant de bien dîner, M. Legrand, maire de l’endroit, aurait osé adresser de si grosses sot tises à l’opposition, qui accuse M. Guizot d’abaisser la France, — et surtout adresser ces sottises entre les mêmes bouteilles au milieu desquelles M. Guizot luimême, il y a six ans, faisait une si rude opposition à M. Molé qu’il accusait également de dégrader le pays. Est-ce que, l’estomac vide, M. Legrand se serait avisé de dire à M. Guizot qu’il est, lui ministre, prêt à sacrifier sa vie pour le triomphe de la liberté et que dès lors il est digne d’occuper une place dans le Panthéon-Calvados ? Est-ce que, de parfait sang-froid, M. Guizot aurait osé affirmer que nous jouissons de la plénitude des libertés publiques, et que le pays légal pèche par l’excès de l'austérité plutôt que par la moindre par celle de corruption?...

À propos

Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.

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Données de classification
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