Extrait du journal

LE MONITEUR DU SOIR,,; j J.: c- / | ARTICLE EN QUATRE MONOLOGUES ET UPpTÉPirbtiUÉX le préfet. — « Et surtout poussez à l’abonnement du Moniteur du soir! » C’est ainsi que se terminent main tenant toutes les dépêches que je reçois du ministère! Je ne demande pas mieux que d’y pousser à cet abon nement, mais par quels moyens ? Si je faisais placarder la proclamation suivante : « Habilans du département, » Il n’y a plus que deux catégories de citoyens en France : ceux qui s’abonnent au Moniteur du soir et ceux qui ne s’y abonnent pas. » Les abonnés sont les amis du gouvernement , les non-abonnés sont ses ennemis ; voyez maintenant dans quelle catégorie vous voulez vous placer ! » MallieureusemSht, j’ai lancé une proclamation sem blable pour appuyer le candidat officiel aux dernières élections, et le candidat de l’opposition a passé à une immense majorité. Décidément, ce moyen n’est pas bon? J’ai envie d’écrire à l’évêque ; j’ai fait tout ce qu’il a voulu jusqu’ici ; il ne me refusera pas une petite lettre pastorale pour prier ses curés de recommander le Mo niteur du soir au public ; voilà un moyen infaillible de recruter des abonnés ! Mais j’oublie que je suis brouillé avec l’évêché depuis l’encyclique. Il ne me reste plus qu’à adresser une circulaire à tous les employés du département ; il y a là une pépinière, un réservoir, une mine d’abonnés. Rédigeons la circu laire ; mes sous-préfets feront le reste. lf, sous-préfet. — « Et surtout poussez à l’abonne ment du Moniteur du soir; » c’est le refrain habituel des lettres de la préfecture. J’y pousse tant que je peux certainement ; mais la matière abonnable est fort bornée dans mon arrondis sement ; une circulaire préfectorale a déjà imposé l’a bonnement à tous les fonctionnaires ; rien de plus com mode, mais comment agir sur le bourgeois? J’ai donné une soirée avec tombola dont le gros lot était un abonnement d’un an au Moniteur du soir. Un des hommes de lettres les plus distingués du cheflieu de ma sous-préfecture a été autorisé à faire des conférences sur le Moniteur du soir. Le président de l’Académie a bien voulu mettre au concours sur mon invitation la question suivante : « De l’influence de la lecture du Moniteur du soir sur les mœurs d’une nation.» Au dernier comice agricole j’ai chanté moi-même au dessert des couplets en l’honneur du Moniteur du soir. J’ai fait répandre adroitement le bruit parmi les deux cent cinquante-trois personnes qui postulent les croix d’honneur dans mon arrondissement, qu’on s’informe rait volontiers à la chancellerie si le pétitionnaire était oui ou non abonné au Moniteur du soir. Tout cela doit produire quelque chose; en tout, cas, j'ai épuisé tous les moyens de propagande qu’a pu me j fournir ma fertile imagination ; il ne me reste plus qu’à faire travailler mes maires; écrivons-leur de nouveau, et exerçons sur eux une forte pression. le maire. — « Et surtout poussez à l’abonnement du Moniteur du soir. » C’est la vingtième fois que mon sous-préfet me fait cette recommandation....