Extrait du journal

— Rien de plus facile. — Vous leur parlerez de saint Serge. — C’est entendu. ■ — Vous leur donnerez votre parole d’honneur que la Panagia les protège. — Je jurerai qu’elle m’est apparue en songe, pour me faire part de ses desseins, que je l’ai vue et qu’elle m’a parlé. ■— Parfaitement. — Vous promettrez les plus brillantes récompen ses dans l’autre monde à ceux qui se seront fait tuer dans celui-ci. — Cela va sans dire. — Mais surtout soyez éloquent, entraînant et chaleureux. — Soyez tranquille, on connaît son métier. — La harangue finie, vous me bénirez tous ces coquins. — Plutôt deux fois qu’une, monseigneur. Je bé nis fort bien, et je défie qu’il y ait un seul de mes confrères en état de me damer le pion à cet égard. Je leur rendrais des points à tous. — Je n’en doute pas, et si je me suis adressé à vous, c’est que je tenais à ce que l’opération fut faite de main de maître. — Vous êtes bien bon, monseigneur. — J’avais un instant songé à réclamer le con cours des popes de la ville, mais ces coquins sont ivres dès le matin. — L’ivrognerie est la mère de tous les vices. — Bon, je vois que vous êtes en train de prêcher. Etes-vous homme à commencer votre sermon tout de suite? — A l’instant, monseigneur. — En ce cas, nous allons boire une bouteille de vin de Champagne. — Quoique je ne boive jamais que de l’eau, j’ac cepterai pour ne pas vous désobliger. — Un verre de champagne vous réchauffera et vous serez après beaucoup plus éloquent. — Je le suis même à jeun, monseigneur. — Je n’en doute pas. — Et puis Sébastopol est une ville humide, et il n’y a pas de mal à chasser le brouillard. — Comme vous dites. ’ — Buvons un coup. — Deux, monseigneur, toujours dans l’intérêt de l’éloquence ; je serai deux fois plus persuasif et plus entraînant. — J’y compte; mais si vous manquez de verve,...