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Le Constitutionnel, 13 mai 1837

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Le Constitutionnel
13 mai 1837


Extrait du journal

l'on ira ; mais le sait-on bien, lorsque l'on a Jeté ton manteau sur le sommet de la montagne, pour aller voir où chantent les ange» et chanter avec eux P De là, les dévergondages de l'idéalité; delà les grands voyayes aériens au tour du paradoxe. Le paradoxe est lyrique. ' Ce serait donc une direction fatale, selon nous, que celle qui autoriserait l'emploi des situations fausse» pour éviter les situations communes. Les choses les plus banale» ont leur distinction, les mots les plus simple» ont leur noblesse. De ce qu'on ne se sera rencontré avec personne dans la pein ture d'un fait imaginé, il n'en résultera pas que l'on soit ce qui s'appelle ori ginal. L'originalité n'est point de la bizarrerie ; on n'est point original si l'on n'est pas vrai. I/originalité est sœur de la réalité. . Ceci s'adresse plutôt à une école qu'à un auteur , et d'autant moins à l'anteur d'Une Fée de Salon qu'il t'est tenu sagement en dehors de toute école. Seulement il y a pour lui à profiter du spectacle de la décadence prompte et précoce des auteurs et des livres qui prétendent intéresser le cœur -humain à des' peintures conçues en dehors de ses passions et de ses impressions réelles. Leà natures subtiles, promptes à voyager dans les ré gions de l'inconnu, sont rares et clairsemées ; elles .ne constituent point un public; et d'ailleurs ces natures elles-mêmes s'accommodent des beautés simple» «t éternelles qui saisissent la foule. Pour avoir été populaires, on ne dit pas qu'Homère et Tyrtée fussent moins goûtés des artistes. Il n'y. a que les talens relatifs qui s'adressent au petit nombre; les talens absolus parlent à tous. Nous avons donc à regretter qu'ayant & dessiner notre société actuelle , M. Arnould Frémy se soit placé dans une de ses exception» , et qu'il se soit fait le peintre de mœurs pour l'appréciation desquelles nous avouons notre Insuffisance. La vie de châteaux et de salons est, de nos jours, abor dable à tout homme qui se sent le goût et la volonté de s'y produire ; mais cette volonté et ce goût ne sont point dans toutes les natures. Pour qui s'en tient à l'écart, les habitudes, les préjugés , les allures , la langue même de cette existence de privilège seraient une énigme et presqu'une découverte. Les conditions de la moralité ordinaire s'y trouvent ( si les tableaux de M. Frémy sont exacts) tellement altérées, qu'il faudrait, pour se mettre à leur unisson, se refaire tout un système d'opinions et de conduite. Voici, par exemple, une héroïne de roman , Berthe , qui représente à peu près l'idéal des jeunes filles à volonté ferme et réfléchie , tête de prédilection sur laquelle M. Frémy a voulu faire reposer le plus grand intérêt de son livre. Eh bien ! dans nos idées de vie terre à terre, Berthe serait un enfant comme on ne peut en souhaiter à aucune mère, se perdant avec intrépidité, sans doute, mais froidement, sèchement, da propos délibéré. Ce serait, à voir les choses hors du cercle où elles s'agitent, une femme qui aurait plutôt les ver tu» de notre sexe que celles du sien, un parfait honnêle homme, incapable, même an prix d'un adultère, de manquer à une parole donnée à un amant. Au rebours des grandes dames qui cachent leurs fautes, Berthe les avoue ; elie se ferait un cas de conscience de poursuivre une intrigue mystérieuse ; mais quand elle a un amoar au cœur, elle l'affiche, elle s'en fait gloire. Dès le jour où elle n'est plus chastè d'intention, elle se confesse à son mari, et quitte un hôtel brillant pour lier sa destinée à une destinée pauvre et obs cure. C'est celle d'OUivier. Pour une femme du tact et du mérite de Berthe , le choix n'est point heureux. Cousin dé la jeune fille, Ollivier ne lui a plu qoe par la fortune qu'il n'a point et par les grâces qui lui manquent. C'est un amour qu'on pourrait appeler négatif , tant il dérive plutôt des imperfec tions de l'homme que de Ses qualités. Enfant, Ollivier a connu le besoin ; première cause d'amour ; adolescent, il a commis une faute grave , un abus de confiance, un vol d'argent, tranchons le mot : deuxième cause d'amour ; ii arrive chez M. de Belsonne, père de Berthe , avec des habit» souillés de poussière, provinciaux, hors de toate mode : troisième cause d'amour ; il se confesse à Berthe de sa misère, de ses embarras, même de ses fautes justiciables du Code pénal : quatrième et décisive cause d'amour, car, malgré £lle, Berthe s'engage : elle voit nn malheureux suspendu aux...

À propos

Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.

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