Extrait du journal

Trente-ans après la fondation légale de la République en France, les campagnes d’idées se font rares en politique. Alors que les théories philosophiques les plus audacieuses trouvent libre cours, les questions de pure doctrine passionnent de moins en moins l’opinion. C’est ainsi que la Constitution de 1875, qui soulevait, il y a quinze ans à peine, la réprobation de tout le parti radical, indiffère, ou peu s’en faut, aujourd'hui, aux socialistes eux-mêmes. La masse électorale tend à obtenir des satisfactions d’ordre plus concret. Moins confiante dans les formules, elle ajoute foi encore cependant aux promesses des politiciens. Elle attend d eux des améliorations d’ordre matériel. Les électeurs, d’autre part, s’organisent afin d’en assurer la réalisation prompte ; ils forment des groupements, des associations d’intérêts. Les fonctionnaires se sont unis en sociétés amicales ou en syndicats et revendiquent des augmentations de traitement ; les ouvriers, les employés, tous les salariés, sous la direction de militants, entrent en guerre contre le capital et le patron ; celui-ci, industriel ou commerçant, défend les intérêts de son commerce ou de son industrie. Les corporations se reconstituent, et chacune d’elles agit plus ou moins efficacement, sans rien voir beaucoup au delà de l’horizon très borné des intérêts particuliers....