Extrait du journal

L’avenir a tenu tout ce que promettaient de tels débuts. Car, à partir de ce jour, tous égards disparaissent. Mlle de Saint-S... devient, dans la maison, ce qu’était avant elle Mlle de M..., qui avait survécu de peu de jours au mariage de son frère ; des violences, des injures succèdent à des orgies continuelles. Heureuse encore Mme de M..., ‘A elle avait pu se soustraire quelquefois à un spectacle que sa naissance et son éducation devaient lui rendre si pénible ! Mais elle était séquestrée ; jamais on ne la laissait sortir qu’elle ne fût accompagnée ou suivie par son mari ou son beaufrère. La fortune de Mlle de Saint-S... avait été employée à payer les dettes de la famille de M..., et à satisfaire à ses nombreux besoins, aussi les ressources qu’elle avait apportées furent-elles bientôt épuisées. On fut oblige de recourir aux emprunts, et Mme de M... manqua de tout, même de vêtements ; elle passait ses hivers sans feu, et ces privations lui étaient bien pénibles, car elle n’était pas seule à les supporter ; elle avait deux encans, dont un seul a survécu à tant de misères, pour être, dans ces jours de malheur , sa seule consolation. Entin les forces lui ont manqué pour supporter tant de douleurs, et elle a formé une demande en séparation de corps. Le magistrat Ta autorisée à se retirer avec sa fille dans la maison des dames Augustines de Versailles; mais dois-je le dire? là elle fut mal reçue parce qu’elle n’avait pas d’argent ; il était entendu, sans doute, qu’elle serait à l’abri des poursuites de son mari, mais Mme la supérieure a manqué au mandat de la justice. Un jour elle était dans sa cellule, on frappe, c’était son mari, il entre, se précipite à ses pieds, la supplie (l’oublier le passé, mais le souvenir de ccs dernières années lui donne le courage d’un refus ; alors M. de M... s’empare de sa fille, l’enlève , Mme de M... le suit pour ne pas se séparer de son enfant. C’était la mère et non l’épouse qui rentrait au domicile conjugal. Aujourd’hui elle y est encore, mais séquestrée, emprisonnée; osera-t-on plaider que ce retour au domicile conjugal constitue une réconciliation? A peine nous a-t-il été permis de la voir une seule fuis ; encore son mari l’attendait à la porte. Elle nous a remis à la dérobée un mémoire rédigé par elle en cachette, et dans lequel elle a déposé toutes ses douleurs. Pcrincttez-moi de vous en lire quelques passages :...