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Le Figaro, 14 janvier 1855

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Le Figaro
14 janvier 1855


Extrait du journal

faisait répéter une comédie. — Une jeune débutante, jolie et candide comme on l'est au Conservatoire, avait obtenu la faveur de dire trois mots dans cet ouvragé, à la fin du premier acte. Un jour, après la répétition, la jeune artiste s'appro cha de son auteur, et le remercia avec effusion de lui avoir ouvert la carrière des arts. — « Mais puisque vous êtes si bon, monsieur Méry, b dit l'ingénue, ne pourriez-vous me donner une occa» sion, à cette fin de premier acte, de me jeter à genoux » en m'écriant : — «Merci, mon Dieu!» Hier encore » j'ai vu madame Guyon à l'Ambigu dire merci, mon » Dieu ! et cela lui a rapporté trois salves d'applaudisb sements. » — « Mon enfant, répliqua Méry en souriant, madame » Guyon est une femme qui a le talent et le tempéra» ment de ces choses-là. — Quant à vous, rendez-vous b bien compte de la situation. Vous jouez unepension» naire dans une petite comédie bourgeoise : à la fin » du premier acte, on annonce que la soupe est sur la b table. — Si, à cette occasion, vous vous jetez à genoux » en vous écriant : Merci, mon Lieu ! vous passerez b pour une jeune personne démesurément goinfre. » — « Monsieur Méry, ça ne fait rien. Je vous en prie, s laissez-moi dire merci, mon Dieu !... » Méry tourna le dos à l'élève de Thalie, et il n'en fut plus question pendant trois jours. — Mais le troisième jour, Méry reçut la visite d'un homme de cinquante ans, d'une mise somptueuse et d'une physionomie aris tocratique. Après quelques compliments échangés : — « Monsieur Méry, — dit le visiteur, — j'aime les b gens d'esprit. J'ai de la fortune, du crédit, — un » château, — veuillez considérer que tout cela esta b votre disposition. — Moi, je-suis déjà votre obligé, en b ma qualité de protecteur de mademoiselle Coralie, la b jeune artiste à qui vous avez bien voulu confier un. b petit rôle dans votre ravissante comédie, b — « Ah ! très bien ! fit le poète en s'inclinant. » — « Mais voyons, monsieur Méry, reprit le proteeb teur, rendez à cette enfant un grand service : perb mettez-lui de se jeter à genoux, en s'écriant : Merci » mon Dieu ! — L'enfant a fait une étude spéciale de b cette exclamation. — Hier, elle s'est jetée à genoux ù dans un salon devant quinze connaisseurs, et je vous b assure qu'elle a eu le plus grand succès. » Ici Méry, en mordant ses lèvres, reproduit son ob jection, — la soupe est sur la table, — pas moyen de tourner la chose au lyrisme, en s'écriant : Merci, mon Dieu! Le protecteur se retira un peu plus raide et moins; souriant qu'à son entrée. Vint la représentation : Méry, le manuscrit en main,...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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Données de classification
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