Extrait du journal

:̃̃̃ ̃• La Chênaie, 23 janvier 1835. Je vous renvoie, mon cher ami, les deux brochures de M. Sismondi. J'y trouve des choses fort bien pensées, d'autres observées avec finesse, et partout une droiture qui révèle l'homme honnête et bon. On est rarement tenté de «lui contester quoi que ce soit dans le cercle où il se renferme mais ce cercle me paraît étroit, il laisse en dehors les questions les plus importantes, celles d'où dépend en définitive la solution des autres. C'est le défaut de beaucoup de livres qu'on publie aujourd'hui, et qui ne laissent pas d'avoir du mérite. Cela me dégoûte des miens, de ceux que j'ai faits et deceuxqui me restent à faire. Après une inaction forcée de six ou .sept semaines, j'ai fini la préface, dont je vous ai .parie. Vo;us/ recevrez le. recueil. ;à la tête duquel eïlë" sera placée-; Ce n'est' rien" .pour des autres que ce morceau, mais c'est quelque chose pour moi. Vous ̃comprendrez cela après l'avoir lue. Je vais maintenant me remettre à ma phiJosophie, tâche pénible et dont le terme fuit chaque jour devant moi. Je l'atteindrai pourtant, si Dieu me prête vie. Il y a des moments de profond dégoût. Ensuite le courage revient un peu. Deux choses désespèrent presque également, la difficulté de concevoir au delà et toujours au delà, et celle de faire~passer ses conceptions telles quelles dans l'esprit d'autrui. Jamais la parole ne correspond exactement à -la pensée et quand ,les pensées sont complexes, quand elles supposent, comme il arrive souvent, la contemplation simultanée de plusieurs objets divers et de leurs rapports, c'est Jà un bien autre embarras. Comment s'en tirer avec le discours, qui ressemble au chapelet qu'on défile grain à grain ? Les bornes nous pressent de tous côtés. Nous le sentons, et c'est là une partie de notre grandeur....