Extrait du journal

tait les moustaches en. brosse et la redingote boutonnée. Les comptes rendus des manœuvres révélaient une grande connaissance de l'art de la guerre, mais étaient évidem ment calomnieux. On y lisait à chaque alinéa des choses comme': \ ' « La cavalerie a chargé l'infanterie. » « L'infanterie a démasqué l'infanterie. » « L'artillerie a vomi des torrents de flammes. » Et bien d'autres diffamations dù; môme genre, qui n'ont d'autre excuse que de né faire: de niai à personne. Cepen dant; comme- toutes les choses de ce monde, la stratégie fantaisiste a son bon côté ; c'est de dérouter complètement les puissances étrangères, qui pensaient, — tant nous sommes bavards, — étudier dans nos feuilles les secrets de nos armées. N'ayant plus rien à dire des grandes choses qui sont usées jusqu'au coude, j'espérais me rabattre sur le détail du camp et sur les particularités de la vie qu'on y mène. Autre déception : tous les journaux qui arrivent ici nous apportent des détails d'une intimité désolante. Là, c'est un correspondant qui ne craint pas d'affirmer qu'au camp « on couche dans des tentes, » et qu'on ne possède d'au tres meubles qu'une malle et une planche; pourquoi pas tout de suite un orgue Alexandre? Un autre raconte à l'Europe attendrie, comme la Pologne, qu'on a établi des rigoles pour ne pas être incommodé par les eaux. Que dire après tout cela? J'aurais bien pu, à la vérité, reprendre les rigoles en sous-œuvre, mais vous ne m'au riez pas laissé faire, monsieur Figaro, et je ne me sens pas le courage de vous blâmer. Dans ce péril extrême, je vais me contenter de vous raconter simplement ce que j'ai...