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Le Figaro, 3 mai 1900

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Le Figaro
3 mai 1900


Extrait du journal

dont j'ai savouré le charme réconfor tant. - ' Sans doute, dans cette agglomération, il y a peut-être plus de choses jolies que de choses belles, les ornements valent mieux que les sujets. Cela provient de l'universalisation du goût et de la diffu sion du talent. Sans doute, il y a une telle abondance de femmes nues qu'après avoir admis celles dont le corps était ir réprochable, il a fallu ouvrir la porte à celles qui n'étaient que passables, et même en laisser passer quelques-unes dont l'anatomie appelle le pain d'épice comme matière première. Songez que dans toute l'Exposition il n'y avait abso lument qu'une femme habillée : celle qui surmonte la porte monumentale. Il s'en est fallu de peu que la malheureuse fût précipitée du haut de son piédestal, à la veille de l'ouverture, et fût privée de la gloire de voir affluer les visiteurs à ses pieds par trente-huit guichets. On aurait dit que les jupons nous semblaient in convenants. Cette manie de symboliser tout par la femme nue est peut-être un symptôme de décadence, je ne le nie point. Mais néanmoins, je prétends que lors qu'un étranger quelconque viendra s'ac couder à mon poste favori et regardera ce que j'ai vu, la réflexion suivante lui poussera naturellement dans la cervelle : « Tout de même, le peuple qui a fait cela n'est pas un peuple banal, ni un peuple fini. » D'autres nations nous surprendront pèut-être par les progrès qu'elles ont ac complis ; mais la France surprendra le monde entier par l'ordonnance, à la fois grande, ingénieuse et charmante, de son Exposition. Et l'étranger de tout à l'heure, s'il con naît son histoire, ce qui arrive parfois aux étrangers, se souviendra peut-être, pour l'approuver,de la réflexion du vieux Nesselrode : « Si à toutes leurs qualités les Français joignaient un peu d'esprit politique, l'Europe ne serait pas assez grande pour eux. » L'esprit politique, voilà ce qui nous manque. Si nous en avions un simple petit soupçon, je n'aurais pas subi à Paris le: douloureux étonnement de lire des feuilles insensées, dont le poison, d'ailleurs, s'évapore avant d'arriver .jus qu'ici, et qui avaient l'air d'avoir pris à forfait l'échec de cette Exposition, qui jubilaient lorsqu'on parlait de catas trophes. Ces papiers sont évidemment rédigés par des fous dangereux. Mais ce qui ..m'a le plus confondu, c'est de les voir revendiquer le droit de se dire patriotes. Une -Exposition est une. bataille pacifique, cependant ; en dehors de tous les intérêts personnels qui en attendent satisfaction, il y a l'intérêt na tional qui commande qu'elle réussisse. Par conséquent, les gens qui essayentde la faire échouer accomplissent exacte ment la même besogne que les gens qui souhaitent la défaite de leur pays, un jour de bataille. C'est devant ces paroxysmes de haine et ces attaques d'épilepsie qu'il faut se rappeler la parole du Christ : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font! » J'avoue que je rie me figurais pas qu'on pût être à la fois si stupide et si méchant, et c'est à l'écœurement qui m'a pour suivi pendant mon rapide séjour à Paris que je dois sans doute l'optimisme avec lequel je suis rentré, pour prendre part à notre élection municipale. Nous n'avons pas d'opposants dans no tre commune, ou pour ainsi dire pas. Il y a un cafetier qui doit à Dieu et à diable et qui se prétend socialiste. Il y a un pe tit médecin qui essaye de mordre sur la clientèle de. notre bon vieux docteur, et qui se dit nationaliste. Mon curé a autant peur de l'un que de l'autre. Ils n'ont pas dressé de liste, et tout l'ancien Conseil municipal va être renommé, moi en tête. Ce sera la même chose dans les trois quarts et demi de la France. Ce pays-ci a deux horreurs : la révolution et la guerre. Il sent vaguement que les socia listes le mèneraient à la première, et les nationalistes à la seconde. Il les renverra dos à dos. Le vieil abonné....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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