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Le Figaro, 3 mai 1931

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Le Figaro
3 mai 1931


Extrait du journal

Il y a, dans le dossier de l'affaire des Naphtes de Bakou, une note dont la presse, hier, a publié l'analyse, et qui semble une des pièces les plus troublan tes parmi celles que renferment les armoires de la commission d'enquête. On discute sur la façon dont en fut révélée l'existence. Il n'importe pas au public de savoir comment les journaux en ont eu connais sance. Ce n'est pas M. Louis Marin qui les a rensei gnés, c'est certain. Aucun communiqué- officiel n'a été donné ; c'est entendu. Mais la réalité du docu ment en question n'est pas mise en doute. On ne conteste pas qu'au cours de l'instruction relative aux Naphtes de Bakou le procureur de la Républi que d'alors n'ait à un moment éprouvé la crainte de continuer les poursuites. En cette affaire, « l'épar gne française avait ete certes dépouillée par les étrangers ». Mais les inculpes menaçaient de mettre en cause MM. M anus Moutet. Joseph Caillaux et Paul Painlevé ! Il n y avait donc - qu'a* Fermer Të code, à relâcher les prévenus, à clore l'instruction par un non-lieu... Il fut renau. Aussitôt pareille pièce connue, dans son sens sinon dans son texte, M. Painlevé a réclamé la lumière immédiate. « Il est, dit-il, de ces hommes qui ne peu vent redouter d'être mis en cause pour aucun de leurs actes ». La commission' d'enquête se réunit demain. Elle déférera, espérons-le, à la légitime de mande de l'ancien président du conseil de 1925 ; il a le souci de son honneur et veut que l'incident soit au plus tôt vidé. Il a raison. L'opinion le veut aussi, pour un autre motif. Elle juge nécessaire d'être fixée sur le point de Vassalité auquel en est tombée la justice. Le juge tremble-t-il vraiment ainsi dès qu'apparaît en une enquête le nom de quelque seigneur politique et le procureur, aussitôt, songe-t-il au non-lieu ? Ces dé fenseurs de la société et de l'épargne déplorent sans doute de trahir l'une et l'autre et de manquer ainsi aux devoirs de leur charge, mais mieux vaut, esti ment-ils un déni de justicé qu'un député compromis et deux ministres mis en cause ! Qu'a fait dans l'espèce le procureur dont la note confidentielle figure au dossier ? On a hâte de le savoir avec précision. A-t-il envisagé, pro posé ou spontanément rendu un non-lieu ? Quel non-lieu, en ce cas ! « Attendu. .qu'il résulte de l'information que l'épargne publique a été dépouil lée par les prévenus, mais que ceux-ci se disent prêts à impliquer des parlementaires influents dans leur procès, par ces motifs, ou plutôt par ce motif, dit qu'il n'y a lieu de suivre !... » Voilà le texte qu'il eût fallu rédiger pour exprimer les vraies cau ser du non-lieu, s'il fût rendu dans les conditions révélées. Il faut élucider cette affaire et d'urgence, car ce n'est point la responsabilité, nulle ou réelle, des personnages nommés qui est surtout intéressante. Fondé sur un fait ou sur une calomnie, le chantage s'est-il produit ? Et la Justice épouvantée a-t-elle aussitôt cédé à la pression ? A-t-elle abandonné les victimes, laissant les malfaiteurs faire d'autres dupes, et cela dans la crainte de voir troubler la quiétude de ces messieurs du Parlement ? Quelle suspicion générale dans ces timidités et ces ména gements extraordinaires, et quelle déchéance dans cette capitulation devant des prévenus qu'on croit armés puisqu'on cède. Depuis vendredi, plusieurs notes d'agences ont été communiquées au sujet de cet incident. Au cune cependant n'est venue de la place Vendôme démentir l'existence de la pièce ; affirmer que de telles moeurs, indignes d'une république, n'avaient pas même une apparence de réalité. N'avait-on pas condamné à jamais la raison d'Etat, et la rai son d'être d'un régime démocratique n'était-ce pas la souveraineté absolue de la loi ? Rien de tel n'a été communiqué par le garde des sceaux. L'in formation de vendredi matin n'a point été officiel lement déclarée invraisemblable et, hier, plusieurs commissaires, dans les couloirs de la Chambre, confirmaient les indications qu'ils avaient données la veille sur le contenu de la note confidentielle. ...Et voilà itffc incident encore qui prouve qu'on peut critiquer certaines procédures, regretter le ca ractère irrégulier de la Commission d'enquête, mais non pas nier son utilité. Elle a découvert de lamsntabks défaillances : c'est le moindre résultat de sa tâche douloureuse. Mais elle fait connaître au régime le degré d'abandon de ses principes lé gaux sans lesquels il ne se justifie plus. Saura-t-on entendre de tels avertissement» 2...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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