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Le Figaro, 8 décembre 1896

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Le Figaro
8 décembre 1896


Extrait du journal

La mer, soulevée par la tempête qui depuis trois jours sévit sur la Manche et'l'Atlantique, ne s'est pas contentée de briser les barques de nos pauvres pêcheurs. Elle s'est attaquée à la terre elle-même. Elle s'est élancée à l'as saut des falaises de la Manche. Et, cette fois, elle en a eu raison. Au moins sur un point. Tous les Parisiens connaissent la ligne jolie de falaises qui s'élèvent sur le rivage entre Dieppe et Pourville. Ils ont remarqué à cha que saison les progrés accomplis par la vague dans son travail lent et continu d'érosion. Les marins, les pêcheurs disaient; montrant la mer; puis la falaise : « Celle-là aura quelque jour raison de celle-ci. La mer est la plus forte ! » Les prévisions des côtiers se sont réalisées la nuit dernière. Voici, en effet, le télégramme que nous recevons de notre correspondant par ticulier : , , « Cette nuit, jin énorme pan -de la falaise ouest,, de Dieppe: a glissé..en mer, laissant un, vide semi-circulaire de cinquante mètres de ' rayon au sommet, de cent mètres à la base. La masse de marne que la poussée a conduite'en mer à plus de cent cinquante mètres est éva luée à 60,000 mètres cubes. Cet éboulement a entraîné la disparition presque complète d'un des plus beaux chalets de la falaise, la villa Belle-Vue, appartenant à M. Hènri Bamberger, le banquier fort connu. Un tiers du chalet reste debout à l'état de ruine. De nombreuses fis sures du terrain supérieur font craindre de nouvelles chutes de blocs de terre et de marne. A l'endroit où l'accident s'est produit, la fa laise a prés de cent mètres de hauteur. » L'inquiétude est grande parce que sur cette falaise sont construites les plus jolies villas qui dominent Dieppe. Sur la route de Pourville, à Cande-Côte, la villa Joffret, la villa Blanche, la villa Côteville, te villa Saint-Maurice et le délicieux chalet La Case, dont le comte et la comtesse Greffulhe font les honneurs: chaque été à l'élite des Parisiens en villégiature sur cette côte. La Case est presque contiguë à la villa Belle-Vue que M. Henri Bamberger avait ornée avec un goût parfait et où un jardin avait été créé à grands frais. Maison et jardin sont maintenant boulever sés, renversés ou, engloutis dans les flots verts de la Manche. Le « mécanisme » de l'accident est assez curieux. Voici, ajoute notre correspondant, comment l'expliquent les ingénieurs de Dieppe : « La cause de cette catastrophe est due à l'infiltration permanente des eaux qui s'échap pent en nappes souterraines dès qu'elles ont rencontré à-mi-falaise des bancs de glaise ou de grès. La couche supérieure est ainsi cons tamment minée à certains points de la falaise. Le petit plateau sur lequel était située la villa Belle-Vue était particulièrement mouvant. Des éboulements partiels avaient déjà : atteint la propriété et comblé plusieurs fois un escalier en puits creusé dans la falaise et qui servait à M. Bamberger pour accéder sur la grève. > Au large, les.vagues qui ont commencé à entamer et à délayer l'immense cube de marne entraînent une eau laiteuse qui trans forme complètement la rade. » Le chalet Belle-Vue était situé sur le point culminant des falaises. Il y a seize ans que M. Henri Bamberger y avait installé sa villé giature d'été. Il avait été séduit par la beauté du paysage. La prairie maigre, du plateau désert avait été jadis occupée par le prieuré de Saint-Ni colas de Dieppe. Le banquier parisien acheta la propriété. Il y construisit le beau chalet que la mer vient de ruiner, et l'entoura d'un jardin pour lequel il voulut plus de luxe qu'yen sa demeure. L'éboulement a néanmoins détruit de véritables richesses mobilières, notamment une collection . de gravures anciennes.* Lès' pertes sont d'ailleurs évaluées à deux cent mille francs. - Heureusement les dommages ne sont que matériels. Cela tient à ce que la catastrophe s'est opérée « en deux temps ». A trois heures du matin, le concierge'et sa femme, qui durant l'hiver occupent seuls le chalet Belle-Vue, furent réveillés par un bruit formidable, comme celui qu'aurait pu produire un trem blement de terre. Ils se levèrent effrayés. Puis,( sortant malgré Ja tempête, ils virent que toute la partie du jardin en bordure sur la falaise avait glissé vers la mer, dans une énorme crevasse. En même temps les murs du chalet se lézardaient, toute la construction vacillait. Ils l'abandonnèrent en hâte. Cinq heures après, c'est-à-dire à huit heures du matin, la crevasse s'élargissait, le reste du jardin glis sait sur la plage et le chalet s'effondrait. Faut-il ajouter que l'émoi fut grand chez les autres habitants du plateau et que, depuis, ils...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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