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Le Figaro, 9 juillet 1902

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Le Figaro
9 juillet 1902


Extrait du journal

Une conversation avec M. Constans remplace toujours avantageusement une chronique. Elle est elle-même une chro nique parlée, et c'est ce qui explique que chaque fois que l'éminent ambassadeur arrive à Paris, sa maison de l'avenue des Champs-Elysées est tout de suite remplie d'amis heureux de l'entendre et, ce qui est moiné agréable pour lui, de • journalistes en quête de ces anecdotes et de ces souvenirs dont M. Constans émaille toujours ses entretiens familiers. Nous sommes allé lui rendre visite hier matin. Nous l'avons trouvé, comme toujours, très entouré, ravi de revoir Paris qu'il aime tant, la figure fraîche, reposée, respirant la bonne humeur et la santé. On peut dire que l'air du Bosphore réussit joliment à notre ambassadeur. Avant toute chose, nous avons tenu à lui demander ce qu'il y avait de vrai dans le bruit de son retour définitif qui a couru ces jours-ci : -*■ Est-il exact, mon cher ambassa deur, que vous ne retournerez plus à Constantipople ? t— Qui a dit cela f — Les journaux. —; Ah, diable ! fait M. Constans avec sa bonhomie narquoise. Si les journaux l'ont dit, ce doit être vrai, car tout ce qu'il y a dans les journaux est parole d'Evan gile. Cependant il peut leur arriver quel. quefois — très rarement ! — de se trom per, et je crois bien que c'est le cas. Je ne •suis venu, en effet, que toucher barre en France. Des affaires personnelles m'y ap pelaient, et ce n'est même pas mon congé annuel que je prends en ce moment. Je compte partir dans quelques jours pour la campagne, et j'en reviendrai vers la fin du mois. Mais de toute façon je serai le 30 juillet à Constantinople où ma présence est nécessaire pour cer taines questions à régler. Vous voyez donc que ce prétendu « retour défini tif » est, au contraire, un retour très provisoire, puisque jamais je né serai resté si peu de temps en France. Je compte, il estvrai, me rattraper en septem bre au moment de mon congé habituel. A moins pourtant, ajoute en souriant M. Constans, que les journaux n'exigent que je ne prenne pas de vacances afin de bien montrer que je n'ai pas l'in tention de quitter mon poste. *** Après ce préambule d'ailleurs fort in téressant, puisqu'il démentait une nou velle qui a couru un peu partout, nous brûlions du désir d'interroger M. Cons tans, sinon sur l'affaire Humbert dont il ne connaît évidemment que ce que nous en savons tous aujourd'hui, mais sur le vieux Gustave Humbert, sur cet ancêtre au rôle encore si discuté et si mystéieux, que notre ambassadeur à Constanti nople a connu de bien près, puisqu'il a été son collègue à la faculté de droit de Toulouse avant de l'être dans les assem blées politiques. La question vint d'ellemême dans la conversation, car on ne peut plus causer dix minutes aujourd'hui sans parler de l'affaire Humbert. Je de mandai à M. Constans : • —Mais, au fait, vous l'avez bien connu vous, le père Humbert ? — Si je l'ai connu! me répondit-il. Vous pouvez même dire que je l'ai connu intimement, quoique aujourd'hui il n'y ait plus grand monde qui veuille l'avoir connu intimement. Nos relations da taient de 1866, et elles s'étaient nouées, naturellement, à la faculté de droit de Toulouse où j'ai été pendant assez long temps le suppléant de Gustave Humbert dans son cours de droit romain. C'était un homme très naïf, très simple et qui paraissait étranger à tout calcul. Il l'a personnellement prouvé en épousant une femme assurément très honorable et très respectable, mais qui était de condi tion très différente de la sienne. Elle avait servi chez lui, et ce n'est certaine ment pas pour sa dot, ni pour l'appui qu'elle pouvait lui donner dans le monde, qu'il l'avait épousée. Il l'avait fait en toute conscience, parce qu'il avait sur ces sortes de choses des idées très arrêtées. » Il avait aussi certains aperçus poli tiques qui étaient pleins d'ingénuité. Je me souviens qu'un jour, chez lui, me montrant un portrait qui se trouvait dans son cabinet de travail, il me dit, d'un ton très grave, presque solennel : »— Je vais vous prouver que les fils de la Moselle savent ce que c'est que le cou rage et même la témérité. Vous voyez ce portrait? Eh bien ! je n'ai pas hésité, à mes risques et périls, à le garder chez...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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