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Le Figaro, 12 juin 1920

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Le Figaro
12 juin 1920


Extrait du journal

Ce sont des monstres qui n'ont pas tous une face humaine : des lépreux, des hydrocé phales, des êtres-tronc, des paralytiques, d'autres qui ont des jambes d'éléphant ou des yeux sans clarté, couleur d'émail. Quasimodo et l'Homme qui rit, veillent au seuil. C'est sous le ciel d'Asie, dans notre Indo-Chine, derrière un écran de bambou, dans la Mai son de Grâce qu'a bâtie sœur Antoine. Et le miracle n'est pas petit : tous ces maudits ad mirent une merveille. Leur sainte, aujour d'hui, porte un ruban rouge sur sa robe. Les aveugles interrogent leurs voisins. «r. Bonne madame m'a sœur > a la Croix de la Légion d'honneur... f Une fille de France a reçu une si belle ré compense, pour le labeur de dévouement de trente années. Elle a quitté sa terre : elle est allée s'épuiser à aimer les' miséreux et les malades au bout du monde. Elle est de la race de nos martyrs. Mais si 'grande était son ardeur à se dévouer, qu'elle ne sentait pas le poids de sa croix. Elle accueillit les lépreux, qu'on fuyait. Elle les pansa. Elle eut bien vite une cour des miracles. Elle fut une reine à sa façon, la sœur de miséricorde de la Maison des Douleurs. Il n'y a pas de plus sûrs ambassadeurs que ces missionnaires de la bonté, qui vont de village en village, les mains ouvertes et le front radieux. Et c'est la politique d'un grand peuple, d'user de leur sacrifice'' pour per suader. N.os administrateurs protégeaient' Sœur Antoine, l'aidaient. Sœur Antoine se réjouissait et bénissait Dieu. Ses monstrueux enfants prenaient bonne 'mine. Pour un peu, elle les eût trouvés beaux. Or, il advint, un jour, une grande révolu tion1. M. Albert Sarraut fut nommé gouver neur de la colonie. Sa renommée était ter rible. Il était pour le moins anticlérical et peut-être bien païen. Sœur Antoine lisait les gazettes. Elle se demandait si elle réussirait jamais à apaiser la cruauté de cet Hérode qui mangeait les petits enfants. Enfin, vint le jour où elle se présenta devant l'Impie. Ce fut un beau scandale. L'heure d'après, M. Albert Sarraut s'en allait visiter l'hôpital, en compagnie de Sœur Antoine, assise à ses côtés dans la Victoria.1 C'était la première fois...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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