Extrait du journal

Talma semble bien avoir été le sommet «de l'art tragique. Ses dons éclatants furent mis en oeuvre par une grande intelligence et par un jugement très sûr. Ce n'est point qu'il ne s'abandonnât à des fureurs déchaînées, mais ce déchaînement était toujours prémédité et fixé avec précision. On assure qu'un grand écrivain, mort récemment, avait inscrit en marge d'un de ses manuscrits « Ici mettre quatre lignes d'émotion ». Talma, lui, griffonnait volontiers sur .ses brochures, en face de certains passages « Ici ne plus réfléchir et se livrer à son inspiration». Tragédien sublime, véhément et sonore, qui est, en quelque sorte, le geste et la voix de l'époque impériale comme Frédérick Lemaître devait être, plus tard, le geste et la voix de l'époque romantique. Au vrai, les tableaux, les gravures et les statues de Talma manifestent plus de noblesse que d"ernçortement. Antoine, auquel nous devons .une Vie amoureuse de François'- Joseph Talma, les a étudiés avec un soin professionnel, et a noté chez son grand camarade six attitudes favorites 1° relever sa ceinture sur les hanches avec les deux mains ouvertes .2° se frotter les deux paumes des mains 3° les croiser en les rejetant sur une épaule 4°. s'essuyer le front 5° lever les yeux au ciel 6° trembler légèrement sur la jambe gauche en l'appuyant. Mais ce n'est là que l'apparence mécanique de l'artiste. Antoine Sardou? le père de Victorien Sardou, qui l'avait vu jouer plusieurs fois, avait surtout gardé de Talma le souvenir de ses effets de terreur. Talma, d'ailleurs, préférait aux ovations le silence angoissé de la salle. Il excellait à le faire régner par ses jeux de scène. M. de Lanzac de Laborie, dans son intéressant ouvrage sur Le Théâtre Français sous Napoléon, en indique quelques-uns. C'est ainsi que dans la tirade où Cinnà évoque les proscriptions, arrivé aux deux vers...