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Le Figaro, 17 mai 1928

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Le Figaro
17 mai 1928


Extrait du journal

AU JOUR IL/JE JOUK ^Sagesse- des Moineaux Aimez-vous les moineaux? Je ne dis pas 3 aimez-vous le moineau ? Je n'ai garde d'oublier que ,1e singulier évoque parfois la gourmandise, et le pluriel une manière d'amitié. Réray de Gourmont l'a fort heureusement noté, qui dé clarait qu'aimer les pigeons n'était pas du tout' la même chose qu'aimer le pigeon ; et je n'ai pas besoin de vous dire que je ne songeais guère à vous demanders s'il vous est agréable de manger des moineaux. Pauvres moineaux lj Ils m'éveillent tous les matins. Ce n'est point que je bénéficie d'aucun privilège ni que cé menu peuple ailé pense qu'il me doive une aubade ; mais, tous les soirs, avant de fermer mes volets, j'émiette du pain sur ma fenêtre^ et c'est, au premier matin, un concert de piaille ments. Les moineaux ne sont pas de ces goinfres qui dévorent sans dire un mot. Ils poussent un cri après chaque miette. Mais ils crient, certains jours, encore plus fort que de cou tume. Leur musique se mue en vacarme. C'est quand j'ai oublié, en me couchant, de leur •donner leur pâture. Us, réclament et vocifèrent. Je pense qu'ils m'injurient. Je croyais être leur bienfaiteur : ce sont mes créanciers. Us doi vent dire entre eux que je suis leur gargotier. et que la table n'est pas servie à l'heure. Allez vous promener ! ai-je envie de leur dite. Que faites-vous toujours au même coin, de Passy ?... Et je songe à cette hirondelle," dont vous venez de lire l'aventure dans les journaux : quittant la Moselle en automne, elle y revint au printemps, après avoir passé l'hiver à la Martinique. Ne voudrions-nous point tous faire un peu l'hirondelle et vivre nos décembres au soleil et dans la lumière heureuse ? Et nei sommes-nous hirondelles, quand nous quittons ces bords flétris, où se refroidit la Seine, pour émigrer aux rives chaudes de la Méditerranée ? Qu'est-ce à dire et serions-nous les humbles plagiaires des oiseaux ? On le croirait parfois,quand on voit les hommes se munir d'ailes. Mais, tandis que l'essence explose dans les' terribles moteurs, un oiseau rit de nous et traverse les ondes. Et si nous ne rêvions que d'ailes ! Mais il nous faut quasi des nageoires et nous voulons imiter le canard, avec nos vais seaux, et le thon, avec nos sous-marins, quand! nous n'entreprenons pas de ramper à la façon des escargots — et c'est le tank. Un vieux monsieur désabusé me disait un soir que la] race humaine aspire seulement à se doter dei toutes les qualités des animaux. Toute la lyre ;! tout l'orchestre. Nous voulons courir comme un cheval et voler comme un gpéland. Que n'appelons-nous Pégase, cette monture amplut mée ? Mais dans ce tourbillon où le temps fuit et l'espace, les moineaux me semblent sages, qui demeurent en leur canton. Je n'ose point les chanter, car je. songe au vieux Catulle, qui était si jeune, et qui déjà les a loués. C'est; eux qui chantent pour moi ; et ils me disent A quoi bon passer les mers ? Nous avons tou« jours ici notre pain ; et si le destin nous oublie, il n'est que de chanter un peu plus fort pour que notre nappe soit aussitôt mise. Tristan Derème....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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