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Le Figaro, 19 novembre 1865

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Le Figaro
19 novembre 1865


Extrait du journal

Etant allé chercher le curé de Saint-Louis d'Antin afin de lui faire bénir mon courrier, j'arrive un peu tard pour annon cer la mort du roi des Belges et la visite de la souveraine des îles Sandwich, Emma Ire. De ces deux nouvelles, la seule qui soit vraie, c'est heureusement l'arrivée d'Emma : non qu'on tienne énormément en France à contempler la reine des îles Sandwich, mais parce qu'on tient beaucoup à voir vivre le roi des Belges, un monarque unique dans l'histoire des mo narchies, en ce qu'il a trouvé le moyen de se rendre populaire à la fois chez lui et chez les autres. Sitôt qu'une injustice est commise quelque part, on tourne instinctivement les yeux vers lui. Cette position de souverain consultant a même dû quelquefois devenir fatigante. Un Français n'a plus aujour d'hui une discussion avec son boulanger, sans proposer de prendre pour arbitre le roi des Belges. Mais ce qui doit fatiguer Léopold Ier encore davantage, c'est de lire constamment dans les journaux la nouvelle de sa mort. On a beau éviter de mourir, simplement parce qu'on a pris dès son enfance l'habitude de vivre, il est répugnant de se coucher tous les soirs en se disant : — Hier j'étais mort à huit heures du soir, je suis curieux de voir dans les feuilles de demain à quelle heure je suis mort aujourd'hui. Les ministres qui doivent être non moins gênés de servir un roi qui décède toutes les semaines depuis un an, lui ca chent soigneusement, me dira-t on, les journaux oà ce cliché périodique est signalé de nouveau. Mais un monarque, fût-il ultra-constitutionnel, il me semble que s'il exprime la vo lonté expresse de lire la Patrie du 10 novembre où il a com mencé un feuilleton, il est difficile à son président du Conseil de lui faire apporter le Constitutionnel du 22 juillet. Ce ne se rait vraiment pas la peine d'avoir une liste civile d'une dizaine de millions, d'occuper un des trônes les plus respectés et d'être allié aux premières familles régnantes, pour n'avoir même pas le droit de recevoir le journal au bureau duquel on a payé un abonnement. La seule compensation que les ministres du roi des Belges pourraient trouver dans ces douloureuses épreuves, ce serait tn exploitant ce faux bruit qui a déjà couru à la Bourse au moins aussi souvent que Gladiateur au bois de Boulogne. Comme la nouvelle de la mort du roi des Belges a le privilège de faire baisser la rente sur tous les marchés de l'Europe, les amis du roi pourraient profiter de cette erreur en vendant du trois pour cent à terme chaque fois qu'elle se représente. Mais il y a à parier que les ministres ne songent même pas à ce genre de bénéfice, car, le roi des Belges est entouré d'hon nêtes gens....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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